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Les anathématismes furent appelés aussi, dans l’usage commun, articles ou chapitres de Cyrille. Les choses ainsi réglées, le patriarche choisit quatre de ses évêques pour aller porter à Constantinople sa lettre synodale, ainsi qu’une autre de Célestin qui signifiait à Nestorius le délai de sa rétractation. Les envoyés se nommaient Théopempte, Daniel, Potamon et Comare. Outre les deux dépêches principales, ils en avaient d’autres du pape et de son vicaire pour le clergé et le peuple de Constantinople, pour les archimandrites des monastères ; embarqués au port d’Alexandrie, ils cinglèrent en toute hâte vers la ville impériale.


IV

Dans le temps même où s’organisait contre lui l’attaque combinée d’Alexandrie et de Rome, Nestorius ne s’était jamais senti plus tranquille. L’échec essuyé par Cyrille près de l’empereur le remplissait de confiance ; il voyait son triomphe prochain et en jouissait sans modération. Son arrogance n’était surpassée que par celle de ses partisans, qui semblaient prendre à tâche de blesser en toutes choses les susceptibilités d’un public habitué à de tout autres enseignemens. Un certain Dorothée, évêque de Marcianopolis et ardent nestorien, poussa l’audace jusqu’à jeter l’anathème en pleine assemblée, et sous la présidence de Nestorius, sur quiconque dirait que Marie est mère de Dieu. Effrayé par une sortie si violente, l’auditoire s’enfuit avec de grands cris, comme si la damnation éternelle se fût mise à sa poursuite. Quelquefois c’était Nestorius lui-même qui provoquait le scandale. Un jour qu’il mettait les choses à l’extrême, un des assistans s’écria : « A la mer, l’archevêque ! » Il faisait poser une main de plomb sur les couvens de Constantinople, où les moines, moins grossiers que dans ceux du désert, raisonnaient sur la foi, et voulaient avoir l’explication de ce qu’on leur enseignait. Quelques-uns de ces solitaires raisonneurs se présentèrent même devant lui à l’église avec leur abbé pour l’interroger sur des points obscurs de sa doctrine concernant la vierge mère de Dieu. « Passez à l’évêché, leur dit-il, vous aurez là toutes les explications que vous pouvez désirer. » Ils s’y rendirent le lendemain ; mais au lieu de l’archevêque ils trouvèrent les exécuteurs de sa justice épiscopale, qui les enfermèrent dans un cachot en les chargeant de chaînes, et après les avoir flagellés les conduisirent au juge séculier comme des séditieux qui avaient insulté le patriarche dans son église. Le juge demanda des témoins, il ne s’en présenta aucun. Alors il renvoya les moines à leur pasteur. Celui-ci, désappointé, se donna pourtant l’atroce plaisir de les foire flageller de nouveau, et, pendant que le sang jaillissait sous les lanières plombées, il leur tenait ce