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de l’Allemagne, M. de Bismarck a adopté à l’égard du clergé catholique une politique en apparence expectante, en réalité hostile, car ne pas agir pour Rome, c’est se déclarer contre elle. Des signes non équivoques témoignent qu’il songe à exploiter à son profit le caractère étroitement national du protestantisme prussien et l’idée d’unité germanique soulevée par les vieux catholiques. Réformés et anti-infaillibilistes ont déjà trouvé un trait d’union et formulé une demande commune : l’expulsion des jésuites, — réclamée par le congrès protestant de Darmstadt le 5 octobre dernier, comme par celui de Munich, et quelques personnes ont déjà paru craindre que la Prusse ne fût tentée de diriger cette émigration sur les pays catholiques voisins. Les protestans allemands entreprennent en ce moment contre le « papisme luthérien » une campagne libérale, parallèle au mouvement des vieux catholiques. Le but qu’ils poursuivent est la fondation d’une église nationale allemande. Si donc, par suite d’une révolution intérieure, l’église évangélique sa transformait dans un sens libéral, son programme servirait encore les desseins du chancelier. Ce jour-là également, la question religieuse du sud pourrait bien se décider dans le nord sur le terrain du protestantisme.

Les forces respectives des partis en présence sont très inégales. La puissance morale de l’opposition catholique est sans contredit très réelle; mais cette force provient du concours des esprits libéraux de toutes les confessions plutôt que d’une foi religieuse précise. On peut présumer sans témérité qu’abandonné par les gouvernements, le parti schismatique se séparerait en plusieurs rameaux, dans les directions les plus diverses : les uns se dirigeraient vers le protestantisme ou la libre pensée, les autres de nouveau peut-être vers Rome, car ceux dont l’esprit ne peut se passer d’unité religieuse seraient encore capables d’un aussi grand retour. Dans une époque troublée comme la nôtre, l’organisation de l’église romaine exerce sur le peuple un prestige incontestable, celui d’une institution politique séculaire, couronnée par un idéal religieux.

Les adversaires de la papauté ne sont réunis que dans la négative; ils se séparent dès qu’il s’agit de formuler une foi positive. Quelle entente serait donc possible sur le terrain de la religion entre la bourgeoisie éclairée des villes et les populations des campagnes? Ces deux classes sont à plusieurs siècles de distance par leurs habitudes intellectuelles. En Bavière, par exemple, où la lutte est la plus intense entre les vieux catholiques et les ultramontains, les puissantes associations des paysans (Bauernvereine) sont à la dévotion du clergé, des pères ligoriens, des membres de la compagnie de Jésus, dont un décret royal a autorisé le rétablissement en 1837.