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L’Egyptien vienne lui-même ici, je ne le crains pas ; qu’il vienne discuter avec moi en présence de l’empereur et des impératrices, et je saurai mettre à néant sa témérité. C’est la maladie des Égyptiens de porter le trouble en tous lieux ; mais qu’ils sachent qu’on ne les redoute pas, et que leur violence ne s’étalera pas impunément dans cette cité illustre, protégée par la majesté des princes. »

Son discours fut bien accueilli. Il avait fait vibrer dans l’âme de ses auditeurs la corde sensible en leur montrant les évêques d’Alexandrie toujours acharnés contre ceux de Constantinople et d’Antioche, poursuivant contre eux le même but, — la domination universelle. — Toutefois on ne trouva pas assez nette et catégorique l’acceptation qu’il faisait du titre de mère de Dieu ; on le supplia d’y ajouter quelque chose au nom de la paix, que les prétentions arrogantes du patriarche d’Égypte faisaient désirer par tout le monde. Condescendant à ce vœu, Nestorius prononça le lendemain dimanche quelques phrases complémentaires à son discours de la veille, « Oui, mes frères, dit-il en élevant la voix du marchepied de son trône, je reconnais que la vierge Marie est mère de Dieu et mère de l’homme. Elle est mère de Dieu parce que le temple de Dieu, qui est son fils Jésus, a été uni avec la Divinité. On peut donc, à mon avis, lui attribuer légitimement le titre de théotocos. » Au fond, il y eût eu beaucoup de choses à dire sur on explication, et sa concession était effectivement moins complète qu’elle ne le paraissait. Toutefois l’auditoire s’en contenta, et des applaudissemens unanimes firent retentir la basilique. Les uns crurent que le patriarche revenait à la foi traditionnelle de son église, et lui en furent reconnaissans. Les autres lui surent gré d’avoir étouffé la guerre dans son germe, puisque Cyrille lui avait écrit dans sa première lettre ces paroles significatives : « confessez que Marie est mère de Dieu, et tout dissentiment cesse entre nous ; je vous ouvrirai les bras en frère. »

Tout paraissait fini, puisque les deux déclarations de Nestorius, surtout la seconde, avaient été prises par les fidèles de Constantinople comme une rétractation suffisante et que les envoyés d’Égypte ne donnaient pas signe de vie, lorsque le patriarche eut la malencontreuse idée de se remettre en scène. Il le fit de la façon la plus désavantageuse pour lui-même, car, si sa parole brillante imposait aux auditeurs et savait couvrir la faiblesse de son argumentation, celle-ci se démasquait et se mettait à nu dans ses écrits. Il voulut réfuter les douze articles que Cyrille lui signifiait comme le critérium de la foi catholique sur l’incarnation, et, retournant la thèse contre son adversaire, il entreprit de montrer que ce prétendu critérium de la foi catholique n’était qu’un amas d’hérésies. Avec cette grande confiance en lui-même qui le caractérisait, il composa douze