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puissant à entraîner le peuple, si Luther fait défaut, l’électeur de Brandebourg peut un jour prendre le rôle de l’électeur de Saxe. Le chemin lui a été ouvert par le congrès de Munich, qui a préparé les voies à l’intervention du pouvoir séculier. La formation de communautés entre citoyens catholiques offre désormais au gouvernement un point d’appui dans le sein même de la famille religieuse, et l’état peut descendre dans la lice, non point pour soutenir des coreligionnaires, mais des concitoyens qui réclament sa protection. C’est donc de la part des vieux catholiques une mesure aussi habile que conforme aux aptitudes de la race allemande que la création de nouvelles paroisses à côté des anciennes. Ils renouvellent de la sorte au XIXe siècle ces ghilde ou associations religieuses et politiques des temps les plus reculés, d’où est sortie au moyen âge la commune germanique. Le mouvement religieux se trouve ainsi, par sa forme extérieure aussi bien que par son esprit, en rapport avec les traditions historiques de l’Allemagne.

Tout concourt, on le voit, à l’accomplissement du plan que la logique des faits nous conduit à prêter au gouvernement impérial : la conquête de l’autonomie religieuse allemande, la liberté des confessions réunies sous la commune protection de l’empire allemand. La lutte avec Rome ramène à la vieille idée de la nationalité germanique, et ce souvenir est une de ces forces que le chancelier sait suffisamment utiliser. Plus seront nombreux les triomphes intellectuels de la race germanique sur S3S voisines, plus se trouvera flatté le sentiment intime du patriote allemand, et par là resserrée et consolidée l’unité politique. Rien ne saurait séparer plus profondément l’Allemagne du monde romain, le Céleste-Empire des barbares, qu’une rupture dans les consciences et dans la foi avec les nations attardées au culte de Rome.


ALEXIS GIRAUD-TEULON.