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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/596

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à devenir le principal, n’est cependant jamais le seul, il est toujours procédé d’un autre état qui dure peu, il est vrai. C’est ainsi que les jeunes huîtres nagent agilement avant de s’attacher à la place où l’adhérence de leur coquille les retiendra durant le reste de leur vie. Il en est de même des larves d’épongés et de celles des polypes à polypiers : ces animaux, doués d’abord de mouvement et d’organes ciliaires propres à le faciliter, naissent libres et nageurs ; ils deviennent plus tard immobiles et perdent leur première apparence, les uns pour se changer en une masse informe à peu près insensible, les autres pour se multiplier par le bourgeonnement et devenir un arbuste à l’écorce vivante, aux rameaux animés et fleuris.

Les plantes elles-mêmes, en s’arrêtant au moins élevées, passent par plusieurs états, dont quelques-uns les éloignent tellement de ce qui semble constituer le caractère le plus essentiel du règne, l’absence de mouvemens spontanés, qu’il est possible de se demander si la végétation tout entière ne serait pas sortie d’une adaptation très ancienne, devenue ensuite absolue et générale chez les êtres qui en auraient été l’objet. Dans ce cas, et ce ne saurait être que l’énoncé d’une pure hypothèse, l’accident primitif, en se développant et se substituant à tout le reste, aurait produit finalement cette multitude d’organismes inertes et fixés au sol que nous nommons des plantes, mais dont les plus élémentaires (qui sont en même temps les plus anciens) ne sont en réalité dépourvus ni de mouvement, ni d’appareil de locomotion, quoique ces propriétés ne se montrent que dans une période très courte, limitée aux premiers instans de chaque existence individuelle.

Les oscillaires, qui sont des algues d’eau douce, les diatomées, dont la nature est ambiguë, offrent des mouvemens dont la signification est trop obscure pour qu’on puisse en rien conclure ; mais les zoospores ou corpuscules reproducteurs animés des conferves (plantes filamenteuses de la classe des algues) ne se comportent pas autrement que les larves des spongiaires et les spermatozoïdes des animaux sexués. Les zoospores, munis en avant de cils vibratiles, nagent librement au sortir de la cellule-mère jusqu’au moment où, fixés au fond de l’eau, ils donnent naissance à une algue pareille à celle dont ils tiennent l’existence. Ce phénomène, dont la portée est immense au point de vue de l’origine possible de la vie, n’est pas particulier aux seules algues ; toutes les cryptogames, spécialement les fougères, en offrent des exemples. Chez ces plantes, les spores, plus proprement nommées séminules, produisent non pas immédiatement un pied semblable à celui dont elles proviennent, mais un organe intérimaire ou prothallium, sorte d’expansion membraneuse qui sert de support aux organes sexuels proprement dits. La cellule femelle (archégone) est fixe, mais l’appareil mâle