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pour reprendre sa marche dès que l’humidité leur rend la souplesse et la vigueur. La lenteur de la végétation des lichens, dont la plaque ne s’accroît que par la périphérie, est vraiment incroyable. Un siècle entier amène chez eux peu de changement, et tel lichen que nous regardons avec dédain remonte par son âge au-delà des temps historiques. La vie, chez de pareils végétaux, se ranime par intermittence ; il en est de même des infusoires qui peuplent les eaux stagnantes et jusqu’à celle de nos gouttières ; l’évaporation les dessèche et leur enlève l’apparence de la vie, dont ils reprennent les fonctions avec le retour de l’élément liquide. La suspension momentanée de la vie se retrouve, moins prononcée, il est vrai, chez des êtres plus élevés dans l’échelle. Les expériences poursuivies à cet égard par M. le docteur Bureau sont concluantes, puisqu’elles démontrent la ténacité de la vie chez certains êtres et la possibilité de la faire renaître chez eux après un anéantissement apparent. C’est un pur mécanisme qui reprend son mouvement, comme la roue hydraulique qui s’arrête quand l’eau lui manque, et tourne derechef lorsque celle-ci revient. Des plants de fougères exposés à la chaleur d’un fourneau et rendus tellement arides qu’ils tombaient en poussière au moindre contact se sont remis à végéter et à dérouler leurs feuilles comme auparavant ; il a suffi de les tremper dans l’eau pour opérer ce miracle.

L’air humide a été sans doute la voie par laquelle la vie a retiré autrefois ses productions du sein de l’eau, pour les introduire à la surface du sol. Les fougères, qui sont les plus anciennes plantes terrestres dont on ait connaissance, ne prospèrent jamais autant que dans une atmosphère brumeuse. D’autre part, la différence entre le milieu aquatique et le milieu atmosphérique a dû originairement se réduire à presque rien. L’air obscurci de vapeurs, se résolvant en pluies continuelles, offrait aux plantes et aux animaux des conditions d’existence sensiblement analogues à celles qu’ils rencontrent au milieu même des flots.

Le mollusque pulmoné, celui chez qui les branchies se trouvent remplacées par des poches à air et qui respire hors de l’eau, n’est parvenu à ramper à terre qu’à force de précautions. Animal à la peau molle et nue, il ne saurait cheminer sur le sol sans perdre les mucosités qui suintent de son corps, et servent à faciliter sa marche. Aussi, pour ne pas s’épuiser promptement, il habite des retraites obscures et humides d’où il ne sort que la nuit ou par les jours de pluie, et pour ceux qui possèdent une coquille le danger de s’exposer à l’air est si pressant qu’ils ne manquent pas de se clore hermétiquement, soit en sécrétant une humeur visqueuse, soit en usant d’un opercule. Retirés au fond d’une retraite étroite, mais sûre, les mollusques à coquilles attendent parfois durant des