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On voit par ces derniers mots, rapprochés de la lettre de Nestorius au pape, que Théodose considérait Cyrille comme un accusé qui aurait à répondre non-seulement de ses doctrines, mais de ses actes récens et de cette manie de tout faire, de tout juger, de lancer enfin de son autorité privée sur ses collègues les évêques des dépositions et des excommunications dont le droit appartient aux assemblées. On y trouve encore une allusion aux accusations de Sophronas et des autres plaignant égyptiens.

L’empereur n’était pas le seul à porter ce dur jugement, sur Cyrille ; les amis mêmes du patriarche, ses prêtres les plus affectionnés, appréhendaient le rôle qu’il allait jouer dans les événemens du concile. Un saint homme qui l’aimait beaucoup, qui était célèbre alors par sa droiture de cœur et par l’élévation de son esprit, Isidore de Péluse, lui écrivait à ce sujet : « La prévention ne voit clair qu’à moitié, et l’aversion est aveugle, évite-les ; examine toutes choses des yeux de la justice avant de condamner autrui. On te reproche de vouloir venger tes inimitiés particulières plutôt que les maux de l’église. J’entends répéter de tous côtés : « Cyrille est neveu de Théophile ; il imite la conduite de son oncle, le persécuteur acharné de Chrysostome, et cherche comme lui sa gloire dans les disputes… » — « Je te conjure donc, comme ton père par l’âge et ton fils par la dignité, d’assoupir les divisions et les querelles, et de ne pas reporter sur le corps immortel de l’église la peine des injures qu’ont pu te faire des hommes mortels. » Dans la prévision des tempêtes qu’il redoutait, cet homme de paix écrivit également à l’empereur, le suppliant d’assister en personne au concile, « où sa présence empêcherait qu’une assemblée d’évêques ne devînt, par le déchaînement des passions ardentes, un objet de risée pour les païens. » Théodose ne put le faire, et la prophétie s’accomplit.

Cyrille, avant de partir, voulut, en qualité de vicaire du pape, le consulter sur la conduite à tenir envers Nestorius, si l’hérésiarque, confessant son erreur, demandait pardon au concile. Son avis à lui était qu’il ne fallait faire aucun cas d’une rétractation forcée, et considérer Nestorius comme condamné, puisqu’il n’avait pas satisfait dans le délai de dix jours à la sommation qui lui avait été signifiée à Constantinople. Célestin repoussa ce conseil, « Dieu accepte toujours la pénitence des pécheurs, quelque tardive qu’elle soit, » répondit-il à son vicaire ; mais l’occasion de pardonner ne se présenta pas.


AMÉDÉE THIERRY.