Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/613

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vient sensible qu’à l’origine des temps tertiaires. Telle est la marche inhérente à l’animalité terrestre : l’absence d’herbages, de parties tendres et succulentes chez les végétaux s’est longtemps opposée à la multiplication des mammifères herbivores, et par une conséquence obligée à celle des carnassiers, qui vivent aux dépens des premiers. Tant que cet état de choses a persisté, la classe entière ne pouvait ni croître en nombre, ni se perfectionner. Il existait bien dès les temps secondaires quelques quadrupèdes mangeurs de végétaux, mais ce rôle restait dévolu à d’énormes reptiles aux puissantes mâchoires, sortes de pachydermes à sang froid. Les dents formidables des iguanodons, qui s’usaient jusqu’à la racine par la trituration, pouvaient certainement broyer les substances végétales les plus dures ; mais les mammifères jurassiques, faibles et inoffensifs, incapables de s’attaquer à de grands animaux, étaient forcés de se rabattre sur les insectes, comme le prouve leur dentition.

L’apparition des insectes, vers laquelle nous sommes ainsi ramenés, se rattache aux temps les plus reculés ; ils sont terrestres comme les vertébrés supérieurs, bien qu’ils respirent non pas à l’aide de poumons, mais par des trachées, c’est-à-dire au moyen d’ouvertures distribuées le long du corps, qui donnent lieu à autant de cavités ramifiées servant à introduire l’air jusque dans l’intérieur des organes.

III.

Les insectes sont caractérisés, non-seulement par leur respiration trachéenne, mais par leur circulation imparfaite. Le système nerveux se trouve ici réduit à un certain nombre de ganglions disposés en files ou séries et reliés par des cordons. Le corps se partage en anneaux ou segmens ; il est protégé par une enveloppe extérieure plus ou moins résistante, et dépourvu d’axe solide intérieur. Ce sont des animaux à exosquelette ; en outre la disposition relative de leurs organes est inverse par rapport à ce qu’elle est chez les vertébrés et les mollusques, l’appareil nerveux étant placé au-dessous de l’appareil digestif. Les insectes en un mot sont conçus d’après un autre plan que les vertébrés, et n’ont avec ceux-ci d’autre relation de structure que celle qui résulte de la présence d’organes et de fonctions homologues. Les insectes respirent, digèrent, remuent ; ils ont des humeurs, des sécrétions, des muscles ; ils possèdent des sens, ont des sexes, et se reproduisent par des œufs comme les animaux plus élevés, mais chez eux l’exercice de toutes ces fonctions et la distribution des organes sont le résultat d’un ordre spécial de combinaisons tout à fait différent de celui qui existe en nous. Nous avons peine à comprendre cette distri-