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un monument qu’il a restauré « à ses frères du collège des habitans du Vélabre, » et que deux dévots qui ont élevé un autel à Jupiter père de tous les dieux nous apprennent qu’ils l’ont dédié « avec l’aide des frères et des sœurs. »

Ces beaux noms n’étaient pas tout à fait des mensonges, et l’on est forcé d’avouer, quand on étudie la constitution intérieure des collèges, qu’il y régnait une sorte de fraternité. Malgré le respect qu’on y témoignait pour la hiérarchie sociale, tous les membres avaient des droits égaux. Ils étaient tous appelés à voter les lois et les décrets de l’association, et l’on y mentionnait, pour leur donner plus de force et d’autorité, qu’ils avaient été faits « en assemblée générale. » Cette assemblée n’était regardée comme régulière et ne pouvait faire des lois que si le nombre des votans atteignait un chiffre fixé d’avance : de cette façon le règlement supprimait les coups de surprise et d’autorité. Il en était de même pour l’élection des dignitaires de l’association : tout le monde avait le droit d’y concourir, et il est dit expressément qu’ils sont nommés par le suffrage de tous. Quelquefois sans doute le vote a lieu d’une façon assez sommaire. Quand la société a le bonheur de posséder quelque homme important dont elle espère de grandes libéralités, on le nomme par acclamation sans prendre la peine d’aller aux voix; mais on a soin de dire que ces acclamations sont unanimes et que par conséquent les plus pauvres ont manifesté leur opinion comme les autres. Si tous les associés sont électeurs, ils sont aussi tous éligibles. En réalité, dans les collèges comme dans la cité, les honneurs appartiennent presque toujours aux plus riches. On a vu qu’ils coûtent très cher et il ne convient pas qu’on les recherche si l’on ne peut pas les payer; mais il n’y a point d’article dans le règlement qui défende expressément aux plus humbles d’y parvenir, et l’on a des exemples qui prouvent qu’ils y sont quelquefois arrivés. Dans les associations qui contiennent des hommes libres et des esclaves, on réserve d’ordinaire à ces derniers une petite part d’autorité dans un ordre inférieur. Les fonctionnaires libres appelés magistri ont sous leurs ordres des fonctionnaires esclaves sous le nom de ministri. C’est quelque chose déjà, on est allé plus loin encore : l’esclave s’est quelquefois glissé parmi les fonctionnaires les plus élevés et il a pris place au milieu d’eux. Il pouvait donc se faire qu’il commandât à des hommes libres; qui l’aurait souffert il y a quelques années dans la république chrétienne des États-Unis? On peut dire d’une manière générale que c’est l’esclave qui gagna le plus à la fraternité des collèges. Jusque-là les esprits les plus généreux, ceux qui souhaitaient sincèrement rendre son existence plus douce, s’étaient contentés de lui assurer une sorte d’indépendance dans le sein de la famille. « Je permets