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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/652

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est tenté de voir en eux de véritables sociétés de secours mutuels. Il est certain qu’organisés comme ils l’étaient ils n’avaient qu’un pas à faire pour le devenir; mais ce pas, l’ont-ils fait? Peut-on établir que d’une manière régulière et permanente ils venaient en aide à leurs membres malades ou indigens? se regardaient-ils comme institués pour soulager ces misères? a-t-on la preuve qu’ils avaient des fonds réservés à ces dépenses? M. Mommsen est assez porté à le croire; j’avoue qu’après avoir étudié avec soin les inscriptions qui les concernent, il ne me paraît pas possible de l’affirmer. Ils possédaient, comme on sait, des caisses communes alimentées par des contributions mensuelles; seulement la loi exigeait que cet argent ne fût affecté qu’aux frais des funérailles. Ils recueillaient des libéralités nombreuses qui leur venaient de leurs magistrats ou des gens riches qui s’intéressaient à leur œuvre; mais le produit en était presque toujours employé au même usage : il servait à des repas solennels célébrés en mémoire du donateur à des époques qu’il avait fixées. Sans doute ces libéralités, à les prendre par leurs résultats plutôt que par leur principe, avaient souvent les mêmes effets que les secours qu’un homme charitable distribue aux malheureux; ces festins éternels que le protecteur offrait aux associés devaient diminuer leurs dépenses particulières, ils y trouvaient en réalité autant de profit que de plaisir. Le profit fut plus grand encore quand on eut l’idée de remplacer les repas par des distributions de vivres et d’argent. La veuve d’un riche affranchi de l’empereur, chargé de la surveillance de ses musées, en laissant au collège d’Esculape et d’Hygie 50,000 sesterces (10,000 francs), règle d’avance, selon l’usage, la manière dont les revenus de cette somme importante doivent être employés. Elle veut notamment que deux fois par an on distribue aux magistrats les plus élevés de l’association, administrateurs et protecteurs, 6 deniers (4 fr, 80 c.) et 8 setiers de vin, à des fonctionnaires inférieurs 4 deniers (3 fr. 20 c.) et 6 setiers, aux associés ordinaires 2 deniers (1 fr. 60 c.) et 3 setiers, et qu’on leur donne à tous quatre pains. Ces dons que chacun emporte chez soi sont un secours utile pour ces pauvres ménages et les aident à vivre; cependant ce n’est pas là véritablement une aumône, une distribution de charité, comme nous l’entendons aujourd’hui. Si le donateur, dans la libéralité qu’il fait aux membres du collège d’Esculape et d’Hygie, avait eu le dessein spécial de soulager leur misère, il aurait donné à chacun selon ses besoins; au contraire, ce sont les magistrats de la société, c’est-à-dire les plus riches, qui reçoivent le plus.

Une particularité remarquable, c’est que jusqu’à présent les associations formées par les soldats sont celles qui paraissent s’approcher le plus de nos sociétés charitables. Les collèges de ce genre