Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/678

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’habillement, la toile seule exceptée, reviennent aussi à meilleur compte à l’ouvrier anglais qu’à l’ouvrier belge. Quant au logement, les conditions des deux pays seraient à peu près les mêmes : l’appartement d’artisan, qui coûterait à Londres 3 shillings 6 pence par semaine, reviendrait à 3 shillings à Anvers, ce ne serait donc qu’une différence de 60 centimes par semaine ou de 30 fr. par an à l’avantage du travailleur belge. Aussi les moyens d’existence des ouvriers en Belgique sont-ils très réduits : leur vie, pour n’être pas toujours régulière, n’en est pas moins frugale et pauvre d’ordinaire. Leur nourriture habituelle consiste en pain, fromage, légumes, lard et porc salé ; la viande de boucherie n’apparaît guère sur leur table qu’une ou deux fois par semaine. Du mauvais café ou plutôt de la chicorée très étendue d’eau constitue leur boisson ; ce n’est guère qu’au cabaret qu’ils boivent de la bière. Les logemens sont au plus haut degré défectueux : les ouvriers célibataires louent le plus souvent un lit dans une chambrée ; les familles se procurent une chambre plus ou moins vaste moyennant un prix de 8 à 12 fr. par mois, soit en chiffres ronds de 100 à 150 fr. par an. Ce sont là presque toujours des réduits sordides. Il s’est constitué des sociétés pour créer des logemens confortables à bon compte ; mais ces maisons nouvelles sont dans des faubourgs écartés, et le prix de l’appartement y oscille entre 160 et 210 francs par an. Il serait possible aux ouvriers belges d’ordonner mieux leur vie et de vivre même avec leurs salaires actuels d’une manière plus large et plus respectable ; mais ils ont presque tous une incurable imprévoyance : l’estaminet, qui est si séduisant pour les gens du peuple de toutes les nations, exerce sur eux une fascination particulière. Ils sont les dignes enfans de ces gais buveurs que Téniers, Ostade et tant d’autres artistes nous ont peints. Le consul anglais d’Anvers suppose que l’excessif bon marché des liqueurs et des boissons enivrantes est en Belgique l’une des principales causes de la fréquentation extraordinaire des estaminets ; mais l’on ne saurait non plus méconnaître l’influence de la race et des traditions. Il est naturel que dans ces circonstances toute la famille soit souvent obligée de se consacrer à un travail salarié. Les grandes manufactures de lin, de laine et de coton emploient plus de 133,000 femmes contre 112,000 hommes. L’on a remarqué que plus de la moitié des femmes ainsi occupées ont moins de vingt et un ans, ce qui indique qu’elles se mettent de bonne heure au travail en fabrique, et qu’un certain nombre le quittent en se mariant. L’on nous dit que les ouvriers wallons travaillent mieux, se nourrissent plus confortablement et sont plus instruits que les Flamands ; d’un autre côté, ceux-ci sont presque seuls à émigrer.

La situation des classes ouvrières en Hollande ne diffère pas no-