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affronter des crises sans craindre d’y périr. Ce n’était point assurémens d’une grande prévoyance, on n’avait pas du moins sous les yeux l’Alsace démembrée par la guerre étrangère, une partie du territoire occupée, les monumens de Paris incendiés par la guerre civile. Aujourd’hui considérez bien ceci, qu’on ne peut plus oublier désormais : les Allemands sont en Champagne, et ils ne s’en iront que lorsqu’on aura épuisé jusqu’à la lie l’amertume des traités qu’on a signés avec eux, c’est-à-dire lorsqu’on leur aura payé jusqu’au dernier centime l’indemnité qu’ils ont imposée. De quelque façon qu’on procède, qu’on ait recours à une contribution extraordinaire ou au crédit, on ne peut certainement payer que si le travail, sous toutes les formes de l’industrie et du commerce, reprend son énergie et son essor, et cette fécondité renaissante du travail, on lèsent bien, elle n’est possible que par la sécurité dans la paix intérieure. De bonne foi, en présence d’une telle situation, quelle est l’unique et vraie politique à suivre ? Le plus simple bon sens indique évidemment que la première préoccupation doit être de réduire au silence les passions perturbatrices, de ne pas rendre impossible ou même trop difficile l’action régulière des pouvoirs publics, de ne point aller à tout propos et sans une nécessité impérieuse au-devant de crises nouvelles. Qu’arrive-t-il cependant, surtout depuis quelques jours ? Il n’y a pas une occasion ou un prétexte qu’on ne saisisse pour exciter les méfiances et propager de sourdes inquiétudes, pour multiplier ou envenimer les difficultés qui sont la conséquence d’une douloureuse logique des choses. On ne se refuse pas la satisfaction de donner des leçons et de se passer des fantaisies, au risque même de desservir les intérêts qu’on croit avoir le privilège de représenter.

L’esprit de parti se mêle à tout et finit par tout compromettre. Voyez ce qui se passe au sujet de cette affaire toujours incertaine de la rentrée de l’assemblée et du gouvernement à Paris, À coup sûr, c’est là une des plus délicates et des plus graves questions, dont la solution a une importance de premier ordre pour Paris, comme pour la France tout entière d’ailleurs, À observer certains signes, on pourrait dire que dans ces derniers temps il y avait un progrès sensible, l’idée du retour à Paris faisait son chemin ; les résistances semblaient faiblir, et il était peut-être permis de prévoir le moment où la question se dénouerait d’elle-même par un assentiment général dans l’assemblée, Pense-t-on avoir bien servi cette cause en donnant tout justement ces jours passés aux dernières élections municipales de Paris le caractère d’une victoire du radicalisme ? C’était pourtant bien facile de choisir tout simplement des hommes sensés, bien intentionnés, dévoués aux intérêts municipaux. Non, il a fallu mettre sur l’élection le sceau radical, grossir dans le conseil parisien le contingent du parti. Sans doute, nous l’espérons, les esprits réfléchis et prévoyans de l’assemblée ne s’arrêteront pas de-