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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/724

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de se réformer du moins. Soit que les auteurs dramatiques ne veuillent pas perdre les travaux qu’ils avaient sur le chantier, soit que la matière ne leur paraisse pas épuisée, ils nous ramènent aux mêmes sujets. Ne voient-ils donc pas que ces objets misérables de leurs prédilections se ressemblent tous?

Il n’est pas impossible que les auteurs de la Baronne aient cru faire un ouvrage intéressant, lorsqu’ils ont imaginé de peindre les scélératesses dont une femme de mauvaise vie est capable. Ils n’ont pas songé qu’ils élevaient cette créature à la hauteur du drame. Est-il suffisant de ne pas prétendre nous faire verser des larmes sur un personnage de cette espèce? Au théâtre, il ne mérite pas même notre haine; il est réservé au ridicule et à la satire. Notre haine, nous la gardons pour ceux à qui nous voulons bien faire cet honneur; mais quelle étincelle de dignité violente peut rester dans celle qui fait de sa personne métier et marchandise? Bien plus, nous ne savons s’il y a en elle l’étoffe nécessaire pour faire une grande coupable. Ceux qui la produisent de nouveau sur la scène ont dû sentir, nous le sentons trop nous-mêmes, combien il est difficile de faire parler et agir une femme qui n’a pas d’âme. Souvent quand elle devrait dire des choses terribles, elle en dit de rebutantes; des mois ignobles, bon gré mal gré, se font place là où devraient retentir des mots tragiques. « Cela m’a fait chaud dans les cheveux! » voilà pour exprimer la crainte une forme de langage qui montre à quel point ils ont dû faire violence à leur goût, aux habitudes du drame, à celles du public, sans parler de la langue française. Plus il faut de ces mots-là pour peindre au naturel la baronne équivoque, Mme Édith, veuve d’un officier allemand (elles le sont toutes depuis Lésage), plus ces sortes de rôles sont incompatibles avec le genre sérieux.

La première partie du drame s’engage avec des scènes assez folâtres et tourne au sérieux sans succès, laissant au spectateur la présomption assez forte d’un échec. En effet, des témoignages d’improbation commencent à se faire entendre dès la fin du deuxième acte; cette sévérité est parfaitement justifiée.

On s’amuse d’abord à Wiesbaden, dans une ville d’eaux, où s’abattent des oiseaux de proie de diverse nature, les joueurs et les aventurières, ondines de ces fontaines qui ne vous renvoient jamais plus riche et pas toujours bien portant : il y a aussi des honnêtes gens qui servent de point de mire aux entreprises des précédens. Le tableau n’en est pas neuf: que de villes de bains nous connaissons déjà! que de peintures de la roulette ! Et cette baronne adultère par cupidité, combien de fois nous l’avons rencontrée! car de trahir un amant ou un mari pour échapper à la gêne, de se marier, quoiqu’on vive en femme libre, ou de se démarier tous les jours, quoiqu’on demeure épouse, le tout pour avoir beaucoup d’argent, la différence importe assez peu. Un des auteurs s’est