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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/730

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avait duré neuf ans. C’était lui qui avait présidé, pendant ce long espace de temps, les deux commissions de hauts fonctionnaires et de jurisconsultes employées successivement à ce travail, dont le but était, comme on sait, de réunir en un seul corps de loi les ordonnances des divers princes qui s’étaient succédé depuis Constantin. Ces princes, tous chrétiens à l’exception d’un seul, portaient alors le nom de légitimes, par lequel on les distinguait des césars païens. Dans ce cycle de cent vingt-six ans, quinze empereurs avaient travaillé à régler toutes les parties de l’administration militaire, civile et ecclésiastique : le code théodosien relia les dispositions diverses de leurs actes, en les coordonnant et les abrégeant. Dès que ce grand ouvrage fut achevé, Théodose décréta que les lois comprises dans son code auraient seules autorité en Orient, et serviraient de règle certaine pour la jurisprudence des tribunaux. Il prit en même temps des mesures pour le faire admettre au même titre dans l’empire d’Occident, et on a retrouvé, il y a quelques années, le procès-verbal de cette adoption par le sénat de Rome. Les lois rendues postérieurement soit en Orient, soit en Occident, et qu’on désigna par le mot de novelles, ne furent plus dès lors applicables d’un empire à l’autre qu’après avoir été revêtues de l’approbation des deux princes, afin d’établir dans toute l’étendue du monde romain le même esprit de gouvernement et l’uniformité de la discipline.

L’empire, reconnaissant du bienfait, put en reporter le mérite, pour la plus grande part, à Pulchérie, sous l’influence de laquelle toutes les bonnes idées s’étaient élaborées autrefois ; mais aujourd’hui l’ancienne régente était devenue étrangère à l’administration de l’état comme à sa politique. Les deux quartiers habités l’un par l’empereur et l’impératrice, l’autre par les vierges-reines, formaient dans l’enceinte du palais comme deux palais séparés, ou plutôt deux citadelles ennemies dont l’abord était gardé par les eunuques. Quelle que fut la gravité des affaires, Théodose ne recourait plus à cette admirable conseillère qui l’avait si bien conduit, lui et l’empire, pendant près de dix ans ; elle-même s’abstenait de paraître pour ne point donner prétexte à la jalousie de son frère et au reproche répété par les courtisans, qu’elle ne voulait voir en ce frère qu’un pupille. Il y avait pourtant des circonstances où l’effacement volontaire lui eût paru un crime, c’est lorsqu’elle croyait la foi en péril par les mesures de l’empereur et de la cour. Elle sortait alors de sa retraite avec l’autorité morale de son rang et de ses anciens bienfaits, et Théodose s’inclinait devant elle. Pour empêcher ces retours passagers de puissance et venir ainsi en aide à la faiblesse de leur maître, les eunuques dirigeans formèrent plus d’une fois le complot de la faire sortir du palais. Chrysaphius y réussit enfin, comme nous le verrons ; mais en cherchant à combattre par ces