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interrogera les notaires, on verra qu’il y a eu falsification des notes, et que le faussaire, c’est l’archevêque. »

L’affaire prenait une telle gravité que l’empereur voulut l’arrêter. Guidé par le remords peut-être ou plus probablement par la crainte d’un grand scandale, il imagina de réconcilier les deux parties, et, prenant le rôle d’arbitre de la querelle, demanda sa profession de foi à chacun. Eutychès voulut que l’évêque se contentât d’une adhésion au symbole de Nicée sans rien exiger sur la question de l’incarnation ; Flavien s’y refusa. Quant à lui, évêque du premier siège de l’empire d’Orient, il eût pu regarder comme un outrage cette invitation à donner par écrit son symbole de foi ; il céda néanmoins par désir de la paix, et transcrivit la même formule qu’il avait prononcée à l’ouverture du concile, ajoutant seulement, pour complaire à l’empereur, qu’il admettait l’expression de Cyrille : « une seule nature incarnée du Verbe divin, » en ce sens que la nature humaine et la nature divine ne fissent après l’incarnation qu’un seul Jésus et un seul sauveur. Les tentatives de rapprochement écho Lièrent, et le concile œcuménique fut décidé.

Toutefois Eutychès avait fait tant de bruit des irrégularités de la procédure et de l’altération des actes qu’on pouvait difficilement se présenter devant un tribunal d’appel sans avoir fait juger préalablement la vérité des faits et la sincérité des procès-verbaux. C’était une affaire préjudicielle à vider avant tout ; l’empereur le sentit, et il institua une commission d’enquête pour examiner les dires d’Eutychès. Elle se composa d’ecclésiastiques et de magistrats rompus aux affaires judiciaires, et Thalassius, évêque de Césarée en Cappadoce, ancien préfet du prétoire, en fut le président plutôt nominal qu’effectif, car la conduite de l’action resta entre les mains du patrice Florentins. Un autre officier civil, le tribun des notaires consistoriaux, Macédonius y remplit les fonctions de référendaire. Cette commission siégea dans le baptistère de l’église métropolitaine : on y comptait trente-deux évêques, dont une douzaine avaient fait partie du synode de Constantinople. Flavien assista comme témoin ; Eutychès se fît représenter par trois de ses moines.

Les officiers civils voulant suivre les règles de la procédure ordinaire, le référendaire Macédonius requit des évêques le serment de dire la vérité ; mais l’un d’eux observa que ce n’était point l’usage. « Je ne sache pas, dit-il, qu’on ait jamais déféré le serment aux évêques ; ils parlent toujours en présence de Jésus-Christ. » FIorentius n’insista pas. L’ordre des questions amenant la vérification des actes, le patrice demanda qu’on produisît l’original revêtu de toutes les signatures ; mais le diacre Aétius, qui avait rempli les fonctions de protonotaire, s’y refusa. « Vérifier l’original des actes, dit-il avec fierté, c’est suspecter les notaires. — C’est vous-même qui