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300 députés préparés à exercer une si haute fonction. Croit-on qu’en leur adjoignant 400 collègues médiocres on renforce le système parlementaire ? On l’affaiblit toujours, parfois on le déconsidère et on le tue. Sera-ce au nom des minorités qu’on réclamera une représentation nombreuse ? Sans doute il est désirable que toutes les opinions, même les nuances extrêmes, soient représentées au sein du parlement, afin que toutes soient jugées au grand jour de la discussion publique ; mais il est dans l’intérêt des partis aussi bien que du pays que ces opinions aient pour organes ceux qui les défendront le plus dignement. La force relative des partis restant la même, les minorités se feront mieux écouter et exerceront plus d’influence, si elles sont représentées par quelques orateurs éloquens, au lieu de l’être par tout un groupe d’hommes impatiens, indisciplinés, provoquant l’irritation de la majorité. Dans une assemblée de 300 membres, un orateur sensé se fera écouter, même s’il blesse les convictions du plus grand nombre ; mais sont-ils 800, les conversations particulières, à défaut des interpellations ou des couteaux de bois, suffiront pour le réduire au silence. Un homme supérieur rend plus de services aux idées nouvelles que cinquante énergumènes.

Est-ce au nom de la démocratie qu’on s’élèvera contre la mesure qui restreint le nombre des représentans ? Mais qu’on veuille bien le remarquer, c’est précisément dans l’état le plus démocratique que cette mesure a été appliquée avec le plus de rigueur. Aucun grand état n’a eu des assemblées moins nombreuses que les États-Unis. La grande république, avec son immense territoire et ses 40 millions d’habitans, est gouvernée par 70 sénateurs et 244 représentans. Les républicains français ont toujours voulu des assemblées très nombreuses, sans doute pour suivre les traditions de la révolution ; mais le système a toujours si mal réussi qu’on devrait bien y renoncer. On peut désirer augmenter le nombre des électeurs, parce qu’au moyen de leur vote ils défendront mieux leurs intérêts, mais à quoi bon augmenter le nombre des représentans ? La force relative de l’opinion démocratique restera toujours la même, et les affaires seront moins bien administrées. Ce sont surtout les institutions démocratiques qui ont besoin que la raison l’emporte sur les passions.

En résumé, la prompte expédition des affaires, la bonne police des assemblées, la nécessité de faire triompher le bon sens sur l’imagination, l’intérêt des minorités et celui de la démocratie, toutes ces considérations s’opposent à ce que l’on ait des assemblées délibérantes nombreuses.

Faut-il renouveler les chambres intégralement ou partiellement ?