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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/833

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fit célébrer les jeux séculaires, et nous savons que cette célébration eut lieu pendant l’année 88. Il nous dit en outre, à propos de la mort de son beau-père Agricola, survenue au mois d’août 93, qu’il était absent de Rome avec sa femme depuis quatre ans. Son départ datait donc de 89, c’est-à-dire de l’année qui suivit immédiatement celle de sa préture. On a conjecturé qu’il avait été exilé ; mais il a déclaré au commencement de ses Histoires qu’il avait eu personnellement plutôt à se louer qu’à se plaindre de Domitien, et il félicite ailleurs Agricola de n’avoir vu ni ses amis ni sa famille frappés d’aucun malheur. Pourquoi ne pas admettre que sa carrière politique s’est alors développée régulièrement? Après la préture, on recevait un office prétorien, soit des fonctions urbaines, soit une légation à la tête d’une légion ou d’une province. Il quitta Rome : c’est donc qu’il fut revêtu de fonctions extérieures. Aurait-on confié le commandement d’une légion à Tacite l’orateur? Il est plus probable qu’il eut une légation de province, office d’égale dignité. Il eut sans doute celle de la Belgique, dit Borghesi, par deux raisons. D’abord on avait grand égard, dans l’assignation des provinces, à l’expérience, aux connaissances acquises, aux relations des candidats; or le père de Tacite avait été procurateur en Belgique, et le futur historien y avait lui-même, selon toute vraisemblance, passé une partie de ses jeunes années. En second lieu, Tacite, qui venait d’être préteur, ne peut avoir été légat d’aucune des deux provinces dites de Germanie, parce qu’elles étaient consulaires ; les présidens de ces provinces sont du reste à peu près connus pour toute cette période. Mais la province voisine, la Belgique, était prétorienne, et on ne sait à qui elle fut confiée depuis le départ de Valérius Asiaticus, qui la gouverna sous Vitellius, dont il devint le gendre, jusqu’à Glitius Agricola, consul sous Trajan. Dans cette lacune viendrait se placer à propos le gouvernement de Tacite. Or, si près de la Germanie, comment ne l’aurait-il pas connue par lui-même, quand son livre paraît si précis et si bien informé qu’il semble démontrer à lui seul des relations personnelles et des renseignemens de première main?

Comment enfin ce précieux ouvrage nous est-il parvenu, et par quels manuscrits? C’est là encore une question préliminaire, à laquelle la pensée de tout ce qui nous manquerait si, comme tant d’autres monumens de l’antiquité, il était perdu, donne un véritable intérêt. C’est d’ailleurs une bonne habitude de la science critique de ne pas accepter sans examen ni contrôle les textes que nous a transmis l’antiquité. Il faut savoir comment on les a obtenus. Ces textes sont rarement si bien fixés qu’une érudition pénétrante et fine n’y puisse proposer certaines modifications, si du moins les manuscrits en sont d’un âge peu reculé et d’une exécution mé-