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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/844

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Dès le 20 mars, il insérait dans son journal officiel une longue note, où on lisait ce qui suit :


« Les travailleurs, ceux qui produisent tout et ne jouissent de rien, ceux qui souffrent de la misère au milieu des produits accumulés, fruit de leurs labeurs et de leurs sueurs, devront-ils donc être sans cesse en butte à l’outrage? Ne leur sera-t-il jamais permis de travailler à leur émancipation sans soulever contre eux un concert de malédictions? La bourgeoisie, leur aînée, qui a accompli son émancipation il y a plus de trois quarts de siècle, qui les a précédés dans la voie de la révolution, ne comprend-elle pas aujourd’hui que le tour de l’émancipation du prolétariat est arrivé? Les désastres et les calamités publiques dans lesquels son incapacité politique et sa décrépitude morale et intellectuelle ont plongé la France devraient pourtant lui prouver qu’elle a fini son temps, qu’elle a accompli la tâche qui lui avait été imposée en 89, et qu’elle doit, sinon céder la place aux travailleurs, au moins les laisser arriver à leur tour à l’émancipation sociale? »


Ce sont bien là les idées et les phrases des agitateurs révolutionnaires, qui, depuis 1848, n’ont fait que se répéter et se copier. Vainement, à côté du comité central, les maires et adjoints qui demeuraient fidèles au gouvernement représenté par l’assemblée de Versailles déclaraient-ils, dans une proclamation du 22 mars, qu’il suffisait d’obtenir le maintien et l’affermissement de la garde nationale, ainsi que les libertés municipales, et que par conséquent la population parisienne ne devait pas se rendre aux élections illégales ordonnées par le comité pour la constitution d’une commune. Le comité ne jugeait point que la revendication ainsi limitée répondît aux vœux et aux intérêts du peuple. Il voulait une commune, sa commune à lui, destinée à devenir « la première pierre du nouvel édifice social, » et, quand cette commune fut nommée, il reprit de nouveau ses thèses socialistes, qui n’avaient aucun rapport avec la simple organisation d’un mécanisme municipal. Voici comment le 5 avril il s’adressait à la population de Paris :


«... Travailleurs, ne vous y trompez pas, c’est la grande lutte, c’est le parasitisme et le travail, l’exploitation et la production, qui sont aux prises. Si vous êtes las de végéter dans l’ignorance et de croupir dans la misère, si vous voulez que vos enfans soient des hommes ayant le bénéfice de leur travail, et non des sortes d’animaux dressés pour l’atelier ou pour le combat, fécondant de leurs sueurs la fortune d’un exploiteur ou répandant leur sang pour un despote, si vous ne voulez plus que vos filles, que vous ne pouvez élever et surveiller à votre gré, soient