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Il ne faut point cependant se laisser tromper par les nombres que fournit la statistique. Au lieu de compter l’âge d’école de 6 à 12 ans, comme on le fait généralement en Europe, dans les états de l’Union on le porte de 5 à 15 et même à 21 ans. En moyenne, on compte plus d’un écolier par quatre habitans. Dans les pays d’Europe où l’enseignement strictement obligatoire ne laisse hors de l’école aucun enfant en âge d’y aller, on arrive à la proportion de 1 sur 7, comme en Prusse, ou au maximum de 1 sur 6 1/2, comme dans les duchés saxons. Dans l’état de New-York, il y avait en 1869 1 million d’élèves sur 4,364,375 habitans ou 1 sur 4 environ; dans le Massachusetts, 247,381 élèves sur l,457,351, ou 1 sur 5; dans la Pensylvanie, 900,753 élèves pour moins de 3 millions d’habitans ou 1 sur 3; dans l’Illinois, même proportion; dans l’Ohio, 740,382 élèves sur 2,662,214 habitans ou 1 sur 3. Le nombre des écoliers relativement à la population est donc en Amérique presque deux fois plus considérable que dans les états européens les plus favorisés sous ce rapport, quoique dans l’Union tous les enfans ne fréquentent pas l’école. Cela provient de ce que les enfans suivent les classes pendant beaucoup plus longtemps. L’absentéisme et l’irrégularité de la fréquentation n’en constituent pas moins un danger grave auquel les Américains sont décidés à mettre un terme. Tous les hommes compétens se prononcent avec une énergie croissante en faveur de l’enseignement obligatoire rigoureusement appliqué. « Tout notre système d’école gratuite, dit le surintendant de l’instruction publique de l’Ohio, a pour base ce principe, que les institutions républicaines et la liberté ne peuvent durer que par l’instruction universelle. Si pour soutenir nos écoles nous n’hésitons pas à imposer de lourds impôts aux contribuables, c’est parce que nous sommes convaincus que la sécurité de l’état et la stabilité de l’ordre social dépendent de la diffusion générale des lumières et des vertus, fruits d’une bonne éducation. La gratuité est le moyen; mais, si ce moyen n’atteint pas le but, nous sommes tenus de prendre des mesures pour que ce but soit atteint, et que l’argent ne soit pas dépensé inutilement. Si nous prenons l’argent des citoyens pour instruire tous les enfans, il faut que tous reçoivent l’instruction, autrement les impôts que nous levons ne seraient plus justifiés. » Ainsi la gratuité entraîne l’obligation, car le contribuable peut exiger que l’argent que vous lui enlevez au nom de la loi lui donne au moins cet ordre et cette sécurité que vous lui promettez en échange. « C’est simplement une question de défense sociale, dit très bien le surintendant de l’enseignement de Rhode-Island. Vous demandez ce que vous ferez des ignorans; moi je demande ce qu’ils feront de nous. Si nous avons le droit de con-