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France même, dans ces fameux impôts du dixième et du vingtième, établis également sous le coup d’une situation financière désastreuse et presque toujours au lendemain de guerres funestes. L’impôt du dixième prenait naissance en 1710, quand la France était menacée d’un démembrement. Il remplaçait une taxe de capitation, divisée en vingt-deux classes, établie quelques années auparavant sous l’influence des mêmes nécessités, qui n’avaient depuis lors fait que s’accroître. L’impôt du dixième, auquel le contrôleur- général Desmarets attacha son nom et que le roi consacrait par une déclaration datée de Marly, était bien une taxe sur le revenu telle qu’on la conçoit aujourd’hui même; il frappait les revenus de toute espèce, le revenu foncier comme le revenu mobilier, le revenu industriel comme celui qui découle de l’exercice des professions. Quelques circonstances caractéristiques rapprochent encore cette taxe célèbre de l’impôt moderne sur le revenu. De même que cela fui réglé pour l’income-tax, la déduction des dettes s’opérait par voie de retenue envers le créancier. La sanction pénale ne manquait pas non plus. On avait adopté le système de la déclaration, qui règne en Angleterre aujourd’hui, et non celui de la taxation d’office, qui prévaut en Allemagne; la non-déclaration entraînait la taxe double, la fausse déclaration était punie du quadruple. A une époque où les privilèges avaient la voix haute et savaient user la puissance des édits et des lois par des résistances obstinées, cet impôt, qui ne paraît pas avoir été plus mal établi que beaucoup d’autres, rencontra l’opposition de plusieurs côtés, du clergé, des pays d’état, et il fallut consentir à des abonnemens, à des transactions diverses, à des exemptions enfin, qui aboutissaient, en 1717, à le faire abolir pour les biens-fonds, en ne le laissant subsister que pour les offices et pensions. C’est à la même famille de taxes qu’appartient, avec bien des infériorités d’ailleurs, le cinquantième, imaginé par les frères Paris, et que ces financiers eurent la malheureuse idée d’établir d’abord en nature sur tous les produits. Même quand l’impôt fut payable en argent, les provinces recoururent encore à des abonnemens pour échapper à cette taxe. Le dixième reparaît de 1733 à 1737, sur le type de 1710, et on le voit encore de 1741 à 1748. Ces deux épreuves donnent les mêmes résultats que la première, plus accusés encore. En 1749, le vingtième est décrété par le contrôleur-général Machault, dans un édit dont les termes sont fort remarquables en ce qu’ils invoquent le principe de l’égalité. Mêmes difficultés pourtant, venant des privilégiés et aussi d’une assiette fort défectueuse. Cependant on n’y renonça pas d’une manière définitive. En 1763, l’impôt du vingtième est remanié. Peu à peu le principe de la répartition y prévaut sur le principe de la