Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/909

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tendu justifier ce droit si élevé en affirmant que le prix s’en répartirait de telle façon sur le produit fabriqué, qu’il ne mettrait point un sérieux obstacle à l’essor de la production et du commerce. Ce n’est nullement l’avis de l’industrie française elle-même, qui, à peu d’exceptions près, a fait entendre de vives réclamations. Quel lourd impôt ce serait sur ses revenus, sans en avoir le nom, qu’un impôt pareil! Comment compter sur les drawbacks, si décevans tantôt pour l’industrie, tantôt pour le trésor, et même quel fond peut-on faire sur le régime des admissions temporaires, dont on a essayé après le traité de commerce et auquel il a fallu renoncer? Sur quelles bases satisfaisantes opérer la restitution du droit d’entrée applicable à des produits comme la soie, dont les surcharges de teinture peuvent augmenter le poids depuis 50 jusqu’à 300 pour 100, et dans la fabrication desquels le coton et la laine peuvent entrer en proportions impossibles à constater? Les difficultés d’évaluation, les tentations de fraude, les causes d’infériorité sur les marchés étrangers, semblent se multiplier sous nos yeux à mesure que l’on examine cet impôt. Et comment lutter contre la concurrence du dehors dans les cas où l’exportation du produit fabriqué dépasserait l’importation de la matière première? Faudra-t-il ajouter avec le rapporteur, qui pousse la démonstration jusqu’au bout, que soumettre les soies à un régime particulier ne remédierait que fort imparfaitement au mal, et que, si on met un droit tel qu’il dispense de la restitution à la sortie, ainsi qu’il a été question de le faire, on viendra échouer contre d’autres obstacles? Il ne suffirait pas d’avoir soulagé la soie, ce produit qui peut être considéré au moins relativement comme un article de luxe, et de lui assurer une espèce d’immunité, quand les tissus plus usuels et plus indispensables de coton, de laine, de lin ou de chanvre supporteront seuls l’augmentation de valeur. Ce ne serait point de la proportionnalité, ni même de l’humanité. Enfin quoi de moins populaire que l’ensemble d’une mesure qui tarirait en partie le travail de la masse à sa source même?

Il y aurait sans doute un moyen radical d’échapper à l’impôt sur les revenus et même de couper court à ces questions d’accroissement de taxes, ce serait de procéder par voie de réduction des services publics et d’économie. On y avait songé d’abord; mais ce n’est pas d’aujourd’hui que nous savons qu’il n’est possible d’attendre de ce moyen que des ressources fort inférieures à celles qu’on en avait espérées. Les deux grandes sources de dépenses, l’armée et la marine, peuvent-elles être supprimées ou réduites dans une proportion très considérable? Le pays y est-il disposé? Le gouvernement et l’assemblée croient-ils que ce soit faire acte de