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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/926

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les nations les plus civilisées de l’Europe, et parmi elles la Grande-Bretagne, dont le gouvernement doit compter avec le sentiment très individualiste de populations habituées à ne pas livrer leurs intérêts à l’arbitraire législatif, si l’Angleterre a compris son 3 pour 100 et ses annuités dans les sources de revenus imposables, par quelles raisons spéciales la France ne ferait-elle pas de même? Est-ce seulement pour l’Angleterre que ces paroles singulièrement remarquables, prononcées devant le parlement en 1798 par M. Pitt, possèdent et gardent une autorité démonstrative : « Les annuités, provenant des capitaux placés dans les fonds publics, ne pourraient être exemptées sans injustice d’une imposition applicable à tous les autres genres de revenus. Ce n’est point ici une taxe particulière et révoltante sur les créanciers de l’état exclusivement; qu’ils eussent disposé de leurs fonds en terre ou dans le commerce, ils auraient été de même astreints par la contribution. Le capitaliste n’est pas traité différemment du propriétaire foncier, du manufacturier, du négociant, mais il doit être traité comme eux. »

Dans l’impôt sur les revenus, ce qu’on craint plus encore que le résultat, c’est le procédé. Il semble qu’avec cette taxe l’état se soit cru sous le coup de ce dilemme : être inquisiteur ou dupe, et l’un n’a pas toujours empêché l’autre. S’il est naturel et légitime qu’on veuille garder le secret de sa richesse et de sa pauvreté, pour l’industriel et le négociant c’est plus encore, c’est une nécessité de situation d’où dépend souvent son crédit. On paraît répugner en France encore plus qu’ailleurs à ces recherches fiscales ou à ces déclarations bénévoles, dont d’autres peuples plus résignés s’accommodent avec moins de peine. Comment approprier à nos mœurs nationales l’un des deux procédés employés tour à tour pour déterminer les bases de cet impôt? Demandera-t-on au contribuable une déclaration générale de sa fortune, sauf vérification et contrôle? Le fera-t-on taxer d’office en lui laissant le droit de réclamation? La taxation d’office, nous dit-on, entachée d’arbitraire, risque d’être d’autant plus incertaine qu’elle est confiée à des commissions locales; elle peut devenir injuste, tour à tour complaisante ou vexatoire. Chez nous, M. Hippolyte Passy propose de prendre le loyer pour signe de revenu, sauf recours du locataire, admis à réclamer dans le cas où, soit une famille nombreuse, soit des circonstances tenant à sa profession, le forceraient à exagérer ses charges locatives. Ce dernier procédé ne paraît pas avoir fait l’objet d’un examen attentif. On s’est inspiré en partie et surtout des législations étrangères, en partie du désir louable de trouver un système spécial pour substituer à un impôt personnel sur le revenu net un impôt en quelque sorte réel, assis sur le revenu des capitaux possédés par chaque contribuable. En réalité on a admis les deux bases, et le calcul de la fortune per-