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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/938

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nous citerons plus loin, « Napoléon le Maudit[1]. » Il n’est pas probable que l’ex-empereur cesse d’être traité de la sorte dans les publications bretonnes, du moins dans celles qu’inspire le parti républicain, car le parti légitimiste, dans l’intérêt de sa stratégie électorale, aime mieux faire retomber sur la république et sur les républicains la responsabilité de la guerre et des malheurs qu’elle a entraînés. Dans la polémique en langue bretonne, le parti légitimiste a l’avantage de compter dans ses rangs le clergé, qui, pour l’exercice de son ministère, fait du breton une étude spéciale, et le cultive avec un amour vraiment patriotique[2]. Aussi les publications légitimistes sont-elles plus nombreuses et en général d’ms une langue plus correcte et plus élégante que les publications républicaines. Nous allons les passer rapidement en revue. C’est d’abord la traduction, sur feuilles volantes pour la distribution dans les campagnes, des lettres manifestes « d’Henri V[3]; » c’est ensuite une poésie intitulée Ann Dasprener, « le libérateur[4]. »


«....Du sang d’Henri IV, il reste une goutte — de ce sang si fort, si doux, si généreux, — gardé par la Providence pour que la France soit de nouveau — le plus beau royaume après celui de Dieu.

« Il n’est pas permis de différer, quoi que nous entendions crier. — Soyons une fois gens de cœur, défendons-nous des méchans; — Henri V est devant nous avec son drapeau blanc; — il est notre vrai roi... Français, faites-lui place!»


Nous ne partageons pas l’opinion du poète anonyme, mais nous devons reconnaître que c’est là un langage digne et élevé, et nous le cherchons en vain dans d’autres publications inspirées par la même foi politique. Nous ne le trouvons certainement pas dans un petit écrit intitulé Ce qui est arrivé à Paris pendant que les républicains rouges étaient maîtres de cette ville[5], où l’on identifie les

  1. Cette épithète me remet en mémoire une inscription bretonne écrite à la craie sur le mur d’une maison au Moulin-Saquet, et recueillie après le siège par un de mes amis. Je la cite telle qu’elle a été écrite, bien qu’il n’y ait nulle orthographe. L’auteur inconnu, garde mobile ou soldat, parlait breton sans savoir l’écrire :

    Napoléon tris mab eunant Lucifer
    Neus distrujet France et nantier.

    « Napoléon III, fils aîné de Lucifer, — a perdu la France entière. »

  2. Le seul recueil qui paraisse en langue bretonne est un journal religieux hebdomadaire, intitulé Feiz ha Breiz, « Foi et Bretagne; » il se publie à Quimper.
  3. La traduction de ces lettres a été faite simultanément à Saint-Brieuc, imprimerie L. Prudhomme, et à Quimper, imprimerie de Kérangal.
  4. Brest, Lefournier.
  5. Ar pez a zo c’hoarveet e Paris, epad ma oa bet ar republikaned-ru mistri er guer-ze, Morlaix, Lédan.