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Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 96.djvu/945

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à l’assemblée ou de la plus légère dissidence dans une commission parlementaire.

Sans doute il n’est point sans importance de savoir si M. le duc d’Aumale et M. le prince de Joinville, élus par les départemens de l’Oise et de la Haute-Marne, pourront exercer leurs droits comme tous les autres députés. Jusqu’ici les deux princes se sont abstenus de paraître à l’assemblée ; ils s’étaient engagés à ne point siéger, ils ont tenu leur engagement. Le moment ne serait-il pas venu de mettre fin à cette situation exceptionnelle ? C’est une question de conduite au sujet de laquelle M. le duc d’Aumale et M. le prince de Joinville ont eu une entrevue avec M. le président de la république. Que s’est-il dit dans cet entretien ? Il y a des gens qui naturellement n’en savent pas un mot et qui ne sont pas moins empressés à raconter la scène avec toute sorte de détails. On peut être certain, sans le savoir, que tout s’est passé simplement, courtoisement, de la part des princes, aussi bien que de la part du chef de l’état. Les princes ne peuvent avoir la pensée de créer un embarras quelconque au gouvernement, M. Thiers de son côté ne peut songer à suspendre indéfiniment un droit qui en somme est le droit des électeurs, La vérité est qu’on a fait beaucoup de bruit pour rien. Quand le bruit sera tombé, on s’apercevra qu’il n’y a plus réellement aucune difficulté sérieuse. Les princes iront ou n’iront pas à l’assemblée, le mieux sera vraisemblablement qu’ils y paraissent le moins possible, et dans tous les cas la prudence qu’ils ont montrée, dont ils sont intéressés eux-mêmes à ne point se départir, cette prudence est le gage le plus sûr pour M. le président de la république. Ce qu’il y a de plus singulier, ce qui devrait un peu étonner, si on pouvait encore s’étonner de quoi que ce soit aujourd’hui, c’est qu’un incident aussi simple ait pu éveiller les ombrages d’un certain nombre de républicains modérés. Avec un peu plus de prévoyance ou de sens politique, ils comprendraient que la présence de M. le duc d’Aumale et de M. le prince de Joinville dans l’assemblée est une sûreté bien plus qu’un danger, parce que, s’il y a des races princières qui sont fatalement prédestinées aux coups d’état, aux tristes victoires et souvent aussi aux désastres de la force, il y a d’autres races qui ne sont pas faites pour les mauvaises besognes, qui ne sauraient pas violenter le droit et la dignité nationale par des attentats nocturnes ; elles ne le voudraient pas d’abord, et elles ne le pourraient pas. Que les bonapartistes, devenus subitement les zélateurs ardens du droit et de la liberté, ne parlent qu’avec effroi des coups d’état sournoisement prémédités par M. Thiers ou des conspirations des princes d’Orléans, ils font leur métier. C’est assez grotesque de leur part, mais le tour est joué, ils le croient du moins ; ils pensent avoir détourné l’attention de tout ce qu’ils ont fait, de ce qu’ils feraient encore, s’ils le pouvaient. Au pis aller, ils ont toujours réussi tant bien que mal à semer une certaine inquiétude, aidés qu’ils sont dans cette étrange campagne par