sommes à nous disputer sur le définitif et le provisoire, les Allemands nous regardent. L’éventualité de nouvelles agitations révolutionnaires et même d’un triomphe du radicalisme ne leur a point échappé ; ils y comptent peut-être, ils attendent, et de même qu’avant la guerre ils faisaient des cartes de l’Alsace et de la Lorraine, ils en sont aujourd’hui dans leur infatuation à faire des cartes de la Franche-Comté, qu’ils travestissent en ancienne province de l’empire germanique. Ils nous livrent à la dérision de leurs lourdes caricatures, qui représentent la France comme une arène où tous les partis se déchirent. Sans attacher plus d’importance qu’il ne faut à ces forfanteries, voilà ce qui devrait rester présent à toutes les mémoires. M. Thiers n’avait-il donc pas éloquemment et patriotiquement raison lorsque l’autre jour il demandait à l’assemblée de se mettre au-dessus des partis, de s’élever « à une suprême justice, à une suprême modération, à une suprême fermeté ? »
Cependant l’Europe, sans détourner son regard de la France, sans se désintéresser de nos agitations, où elle sent bien que son propre avenir est engagé, l’Europe s’occupe de ses affaires. L’Italie voyait il y a quelques jours son parlement se réunir pour la première fois à Rome, et le roi Victor-Emmanuel, en inaugurant les chambres, saluait cet événement par un discours où, à la satisfaction patriotique d’une grande œuvre accomplie, se mêlait le sentiment libéral du devoir qu’a contracté la nation italienne d’assurer la liberté, l’indépendance spirituelle du saint-siége. Le gouvernement italien tiendra sans nul doute sa promesse, c’est la seule chose que lui demande la France.
L’Angleterre est tout entière aujourd’hui à ses émotions. Elle n’a de préoccupation que pour le prince de Galles, pour l’héritier de la couronne du royaume-uni, dont une maladie des plus graves met la vie en péril. Par une coïncidence douloureuse, le prince de Galles est atteint du même mal qui emportait son père il y a quelques années, et en ce moment même on touche à l’anniversaire de la mort du prince Albert. Le prince de Galles a trente ans à peine, et sa mort prématurée, en ouvrant la perspective d’une longue régence, serait assurément une épreuve pour les institutions britanniques. À voir cependant l’anxiété universelle qui règne au-delà de la Manche, les marques d’attachement réfléchi que reçoit la royauté, on ne se douterait guère que tout à côté il se poursuit une sorte de campagne républicaine, qu’on a eu même déjà la prévoyante précaution de donner à la future république anglaise un président qui n’est autre qu’un membre du parlement, sir Charles Dilke, fait autrefois baronnet par la bienveillance du prince Albert, Il est à croire que sir Charles Dilke restera longtemps président in partibus.
En Belgique, le ministère d’Anethan, si étrangement compromis par les affaires Langrand-Dumonceau, est définitivement tombé. Il est remplacé