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voit, sous la plume des rédacteurs anonymes, les souvenirs de l’antiquité classique s’effacer peu à peu, se mélanger d’une façon bizarre avec les légendes chrétiennes, puis s’éclairer d’un nouveau jour quand renaissent, au milieu du XVe siècle, la critique et la science. Malgré cet intérêt qu’ils offrent au bibliophile et à l’érudit, les Mirabilia n’étaient, à vrai dire, que d’humbles guides à l’usage des pèlerins ; il y a loin de ces modestes catalogues de reliques et d’indulgences à tout ce que nous promet aujourd’hui un livre qui s’annonce sous un titre tel que celui-ci : Rome. Description et souvenirs.

M. Francis Wey s’est fort heureusement acquitté d’une tâche difficile. La première et la plus précieuse condition était sans doute d’avoir le sentiment de la grandeur de Rome et de son charme puissant. Ce n’était plus un guide pour les pèlerins qu’il s’agissait d’écrire ; mais il fallait emprunter aux rédacteurs anonymes des Mirabilia quelque chose de leur sympathie religieuse et de leur curiosité sincère. Il est aisé de voir que M. Francis Wey a répondu à cette première nécessité en se passionnant pour la ville qu’il se proposait de décrire ; il a vécu la vie romaine pendant des années, il a respiré cet air chargé de souvenirs, il s’est assimilé l’esprit qui se dégage de cet assemblage inoui de merveilles de tout temps et de tout genre. Son éditeur a donné à ce curieux livre la forme et les belles apparences qui doivent le faire rechercher, surtout au renouvellement de l’année.

Pour ne citer que quelques exemples de la sérieuse attention avec laquelle il est composé, nous ne connaissons pas d’autre livre, — en dehors des recueils spéciaux, — où se trouve un compte-rendu exact et raisonné, avec des représentations figurées des dernières découvertes archéologiques faites à Rome sur le mont Palatin et dans l’église souterraine de Saint-Clément. Si M. Francis Wey ne paraît pas avoir eu à sa disposition la rare série de photographies de M. Parker, que nous avons vue quelque temps exposée à Paris, et qui contenait des images prises jusque dans les plus profondes ténèbres des catacombes grâce à des procédés nouveaux et à une lumière factice, il a profité directement du moins des recherches de MM. de Rossi et Pietro Rosa, ainsi que des conseils de M. Léon Renier. Je ne vois dans son livre nulle trace des découvertes de M. Henzen ; il est possible du reste que ces découvertes, si importantes pour l’épigraphie, et qui nous rendent une notable partie des actes des frères arvales sous l’empire, ne lui aient rien offert au point de vue pittoresque : il ne faut pas oublier (on en serait tenté quelquefois, à voir le zèle de ses recherches) qu’il ne s’est pas proposé d’écrire un pur livre d’archéologie. Il n’a pas manqué de nous faire connaître la villa de Livie, récemment mise au jour, mais la représentation de la statue d’Auguste qu’on y a trouvée ne montre pas assez le détail des scènes sculptées, ou plutôt sans doute ciselées d’abord (car l’original de cette statue devait être un bronze), qui font