résistance qui déjoue toutes les combinaisons des inventeurs de religion et des créateurs de fêtes, le courant partout répandu de l’ironie. On y prêtait par les accessoires. Dans plusieurs fêtes on retrouve les mêmes bœufs ou taureaux couverts de festons et de guirlandes, les quatre âges de la vie représentés par des individus portant des costumes de théâtre, des jeunes filles recrutées moyennant quarante sous par jour. Les enfans sont couronnés de violettes, les adolescens de myrte, les hommes de chêne, les vieillards de pampre et d’olivier. Nous avons sous les yeux des programmes de fêtes où on a la prétention de faire jouer un rôle à ce qu’on appelle des chants religieux. De quoi s’agit-il le plus souvent ? D’exterminer le fanatisme et la superstition. Si parfois Dieu y est nommé, c’est uniquement à titre d’ennemi des tyrans, ou encore ce sont des hymnes à la souveraineté du peuple, à l’égalité. C’est à la lettre comme si on s’était proposé de mettre en vers et en musique un article du Dictionnaire philosophique ou un chapitre du Contrat social.
L’élément religieux et aussi l’éclat du culte extérieur diminuent encore avec la célébration des vertus que l’on rattacha au nouveau calendrier républicain. Ce calendrier était savant, ingénieux ; Lagrange et Monge en furent les mathématiciens, Fabre d’Églantine en fut le poète, et fit un heureux choix de mots harmonieux, faisant image, qui devaient être substitués à notre calendrier, si défectueux, inexact de tout point, mais consacré par l’usage. Le conventionnel Romme défendit l’œuvre nouvelle en déclarant que tous les grands événemens révolutionnaires avaient coïncidé avec quelque phénomène important dans le monde astronomique. C’était comme une conspiration mystérieuse, presque cabalistique, entre les faits de l’astronomie et ceux de la politique, entre le ciel et la république française. Romme s’en autorisait pour dire dans un langage solennel : « Le 22 septembre fut décrété le premier jour de la république, et ce même jour, à neuf heures dix-huit minutes trente secondes du matin, le soleil arrivait à l’équinoxe vrai d’automne en entrant dans le signe de la balance. Ainsi l’égalité des jours et des nuits était marquée dans le ciel au moment même où l’égalité civile et morale était proclamée sur la terre par les représentans du peuple français. Ainsi le soleil a éclairé à la fois les deux pôles, et successivement le globe entier, le jour même où pour la première fois a brillé sur la nation française le flambeau qui doit un jour éclairer le monde. Ainsi le soleil a passé d’un hémisphère à l’autre le même jour où le peuple, triomphant de l’oppression des rois, a passé du gouvernement monarchique au gouvernement républicain. C’est après quatre années d’efforts que la révolution est arrivée à sa maturité en nous conduisant à la république,