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Par un nouveau progrès de l’individualisation, les parts restent aux mains des groupes de familles patriarcales occupant la même demeure et travaillant ensemble pour l’avantage de l’association, comme en Italie et en France au moyen âge, et en Serbie actuellement. Enfin apparaît la propriété individuelle et héréditaire ; mais elle est encore engagée dans les mille entraves des droits suzerains, du fidéicommis, des retraits-lignagers, etc. ; ce n’est qu’après une dernière évolution, parfois très longue, qu’elle se constitue définitivement et arrive à être ce droit absolu, souverain, personnel, que définit le code civil, et que seul nous comprenons bien. Les procédés d’exploitation se sont améliorés à mesure que la propriété s’est dégagée de la communauté. D’extensive, la culture est devenue intensive, c’est-à-dire que le capital a contribué à produire ce que l’on ne demandait originairement qu’à l’étendue. D’abord la culture est tout à fait intermittente et temporaire ; on brûle la végétation naturelle de la superficie, et on sème du grain dans les cendres. La terre repose ensuite pendant dix-huit ou vingt ans. C’est ainsi que les Tartares cultivent le sarrasin, et ce mode d’exploitation n’est pas incompatible avec le régime pastoral et la vie nomade. Plus tard, une petite partie du sol est successivement cultivée suivant la rotation triennale, la plus grande partie restant pâturage commun pour les troupeaux du village. C’est le système russe et germanique. Enfin le bétail est mieux soigné, l’engrais est recueilli, les champs sont enclos, des chemins, des fossés sont tracés, le travail améliore la terre d’une façon permanente ; puis la jachère est supprimée, des fumures énergiques sont achetées dans les villes ou empruntées à l’industrie ; le capital s’incorpore au sol et en accroît la productivité. C’est l’agriculture moderne, celle de la Flandre et de l’Italie dès le moyen âge, et elle n’entre en action que quand la propriété individuelle de la terre est complètement constituée. Ainsi progrès parallèle de la propriété et de l’agriculture, voilà le fait important que les dernières recherches mettent de plus en plus en relief.

La philologie et la mythologie doivent les merveilleuses découvertes qu’elles ont faites récemment à l’emploi de la méthode des études historiques comparées. M. Maine pense que cette même méthode, appliquée aux origines du droit, pourrait éclairer d’un jour tout nouveau les phases primitives du développement de la civilisation ; on verrait clairement que les lois sont, non le produit arbitraire des volontés humaines, mais le résultat de certaines nécessités économiques d’une part, et de l’autre de certaines idées de justice dérivant du sentiment moral et religieux. Ces nécessités, ces idées, ces sentimens, ont été très semblables et ont agi de la même façon sur les sociétés, à une certaine époque de leur