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service des départemens envahis, de l’Alsace et de la Lorraine elles-mêmes, a été fait par les percepteurs et les receveurs des finances malgré et contre l’ennemi. L’argent de l’administration centrale passait par les départemens ou les états limitrophes à travers les lignes prussiennes aussi fidèlement qu’en temps de paix. Dans les départemens, en plus de la rentrée des impositions, les ressources volontaires se sont élevées à des chiffres importans : l’emprunt de 250 millions émis par la délégation de Tours, sans aucune sanction de représentans du pays, a trouvé sur l’heure de nombreux souscripteurs et est devenu sur toutes les places l’objet de transactions suivies.

Pour déterminer d’ailleurs l’abondance du capital mis à la disposition du commerce et de l’industrie, il n’y a qu’à relever les cours des principales valeurs avant et après les événemens de 1871 ; en rapprochant les fluctuations récentes de celles qu’elles ont essuyées en 1848, on aura en outre les élémens de la comparaison des deux époques. Au 1er janvier 1848, le 5 pour 100 était à 117 francs ; il tomba en avril à 50 fr., et se releva le 1er janvier suivant à 75 fr. 75. Le 3 pour 100 a varié de 75 fr. à 32 fr. 50 et 46 fr. Au commencement de juillet 1870, le 3 pour 100 français valait 72 fr. 70, le 5 pour 100 italien 57 fr. 80, les actions de la Banque de France 2,867 fr. En mars 1871, le 3 pour 100 était tombé à 50 fr. 35, l’italien à 51 fr. 25, la Banque à 2,325 fr. Au mois de janvier 1872, le 3 pour 100 se cote 56 fr. 70, l’italien 71, la Banque 3,700 fr. Le nouvel emprunt 5 pour 100, émis à 82 fr. 50, conserve à cette même date le cours de 91 fr. après avoir valu dès novembre plus de 94. Et cependant, tandis que le capital, en se portant sur toutes les valeurs françaises et étrangères, dont il suffit de coter les principales, les faisait remonter à un tel niveau, que de sacrifices lui étaient demandés sous toutes les formes, emprunts, impositions, dépenses d’outillage industriel ! Il fallait pourvoir à une émission de 2 milliards 1/2 de 5 pour 100, au déficit du budget, qui présentait pour 1871 1 milliard 350 millions de dépenses au-dessus des recettes prévues, au paiement des impôts nouveaux créés déjà jusqu’à concurrence de 475 millions, et qu’il va falloir porter à près de 700, alors que la perte de deux provinces laisse dans le trésor un vide de 356 millions.

Combien en 1848 les charges étaient plus légères ! Le patriotique impôt des 45 centimes ne s’élevait qu’à 192 millions, l’emprunt n’avait à fournir que 253 millions en 5 pour 100 : il n’était