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de s’isoler, de se protéger contre l’invasion de l’étranger. Produits du commerce, de l’industrie, valeurs publiques ou particulières, titres et matières premières, n’était-il pas opportun de les arrêter au dehors, de les contraindre en tout cas à payer pour les besoins de l’état, sinon plus, au moins autant que nos propres produits, de faire supporter aux uns et aux autres le poids de la guerre ? Pourquoi cependant mentir à notre génie et desservir nos propres intérêts ? Qu’elle le veuille ou non, le génie de la France est l’expansion, la sociabilité ; elle a l’esprit et le cœur également ouverts ; sa mission, attestée par la langue, les arts, la politique, la philosophie, est de se donner, d’appartenir à tous. Ces vérités banales s’appliquent à la spéculation et à notre industrie comme à tout ce qui émane de nous, et c’est pour ces causes que notre Paris est bien la capitale des deux mondes. Ne fermons donc nos frontières à rien et à personne : nous en avons fait sortir les Allemands avant la guerre, ils sont revenus, qu’ils demeurent ; ce n’est pas à nous à rougir de notre générosité. Nous avons depuis vingt ans laissé dans le placement de nos épargnes une grande part aux valeurs étrangères, nous en avons recueilli le bénéfice ; ne détruisons pas cette solidarité de plus avec tous les autres pays où la race humaine cherche dans le travail le pain quotidien, le progrès de l’esprit, la raison de son existence et l’amélioration de ses destinées.

Le point secondaire que nous avons traité, l’emploi de la richesse mobilière sous une forme ou sous une autre, cette question toute technique des valeurs étrangères et de l’organisation de la Bourse de Paris, la plus accessible, la plus libérale de toutes, se rapporte en somme aux études générales d’économie et de politique, qu’il est plus que jamais nécessaire de poursuivre : nous n’avons pas cru faire une besogne inutile en l’examinant ici. Elle se présente d’ailleurs en ce moment avec une opportunité exceptionnelle. A la veille d’une émission de rentes de plus de 3 milliards de capital destinée à libérer notre territoire, ce serait y apporter un sérieux obstacle que de nous rendre les marchés étrangers moins accessibles ou d’éloigner du nôtre le capital étranger. La France pourra absorber en définitive et reprendre peu à peu par ses épargnes la partie de ses rentes souscrite au dehors : c’est ce qu’elle a fait à peu près entièrement déjà pour l’emprunt de 1871 en 5 pour 100 ; mais, en raison même de cet effort inespéré, lui en demander trop tôt un plus grand encore serait dépasser ses forces. Il faut de toute nécessité que le capital étranger arrive en abondance pour faciliter l’émission et la souscription premières du futur emprunt. On manquerait au patriotisme en apportant la moindre entrave à cette bienfaisante invasion.


BAILLEUX DE MARISY.