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pour le commerce, occupe le troisième rang et ne reconnaît d’autre supériorité sur mer que celle de l’Angleterre et des États-Unis, ne saurait s’effacer au point de refuser une protection efficace à sa flotte marchande. Les temps où l’escadre prussienne ne songeait qu’à s’abriter derrière les défenses naturelles de son littoral doivent être oubliés comme des souvenirs fâcheux pour sa marine. C’est vers un rôle offensif que tendent désormais tous les efforts de la flotte allemande, et le gouvernement peut être certain que dans cette voie il sera soutenu par l’élan national. Les dépenses considérables qu’entraînera l’augmentation de la flotte de guerre sont unanimement sanctionnées ; déjà des esprits clairvoyans, devançant l’opinion des masses, parlent de la nécessité de posséder au loin des colonies qui puissent, le cas échéant, servir de points de ravitaillement, et réclament dans la Mer du Nord l’achat d’Heligoland, cet îlot anglais dont l’occupation, même en temps de paix, est un observatoire blessant pour le patriotisme des anciennes villes hanséatiques de l’Elbe et du Weser. Nous nous contenterons de signaler l’accord établi sur ces sujets entre les divers organes de l’opinion. Il appartient à ceux qui sont appelés à discuter les destinées de notre marine de tirer de ce fait les conclusions naturelles et de prendre les dispositions les plus propres à sauvegarder non-seulement les intérêts de notre commerce extérieur, mais encore l’existence des richesses répandues sur notre littoral.


I

Avant d’examiner les incidens qui ont marqué les opérations accomplies sur mer pendant la guerre de 1870-1871, il importe d’établir nettement la force des deux nations engagées et les conditions dans lesquelles chacune s’était préparée à la lutte. En ce qui concerne la France, pareil travail serait superflu, le pays n’ayant jamais dissimulé ses prétentions à une certaine prépondérance navale ; mais pour l’Allemagne du nord il est nécessaire qu’un historique succinct, rappelant les efforts tentés pendant les dernières années, permette à l’opinion de se former une idée exacte des aspirations maritimes entrevues par nos adversaires.

Quand éclata la guerre de 1848, la Prusse n’existait pas comme puissance navale. Quelques canonnières manœuvrées à la rame défendaient seules les entrées de ses ports, insuffisans comme profondeur d’eau, à de rares exceptions près, pour donner abri à des navires de haut bord. Sa première corvette de guerre, l’Amazone, avait paru en 1844 ; son commerce de long cours était nul ; le blocus forcé