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I

Dans le terrible mouvement insurrectionnel qui, du nord au midi de la France, souleva contre les seigneurs les habitans des villes au cri de ralliement passionné : commune ! commune ! les libertés communales proprement dites avaient fort peu à faire, et la liberté individuelle tenait toute la place. Nous n’en voulons pour preuves que les différentes chartes qui furent octroyées de gré ou de force aux villes de Noyon, de Beauvais, de Reims, de Saint-Quentin, de Soissons et de Laon. Les principaux articles garantissaient aux membres de la commune l’entière propriété de leurs biens et le droit de n’être jugés que par les magistrats municipaux. Citons la charte de Saint-Quentin :


« Les hommes de cette commune demeureront entièrement libres de leurs personnes et de leurs biens ; ni nous ni aucun autre ne pourront réclamer d’eux quoi que ce soit si ce n’est par jugement des échevins ; ni nous ni aucun autre ne réclameront le droit de mainmorte sur aucun d’entre eux.

« Quiconque sera entré dans cette commune demeurera sauf de son corps, de son argent et de ses autres biens.

« Nous ne pourrons mettre ni ban ni assises de deniers sur les propriétés des bourgeois.

« Les hommes de la ville pourront moudre leur blé et cuire leur pain partout où ils voudront.

« Si le majeur, les jurés et la commune ont besoin d’argent pour les affaires de la ville et qu’ils lèvent un impôt, ils pourront établir cet impôt sur les héritages et l’avoir des bourgeois et sur toutes les ventes et profits qui se font dans la ville[1]. »


De l’examen attentif de cette charte et de toutes celles qui la précédèrent ou la suivirent ressort la conviction que, si les communes du moyen âge, dans la sauvage énergie de leur soulèvement, se constituaient en véritables républiques indépendantes, le sentiment qui poussait les communiers prenait uniquement naissance dans le désir d’acquérir leur liberté personnelle. Cette vérité, un peu trop méconnue, a été établie d’une manière irréfutable par notre meilleur critique en matière d’histoire, M. Augustin Thierry, « Le principe des communes du moyen âge, dit-il dans une de ses lettres sur l’histoire de France[2], l’enthousiasme qui fit braver à leurs fondateurs tous les dangers et toutes les misères, c’était bien

  1. Tome IX. du Recueil des Ordonnances des rois de France, p. 270.
  2. Lettre XIV sur l’Histoire de France.