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qui retombaient en fin de compte presque toujours sur les artisans et les petits bourgeois. De là des plaintes violentes chez ceux-ci. Les paysans s’élevaient en outre contre le caractère vexatoire de certaines servitudes féodales, contre les dommages que leur causaient le droit de pêche et le droit de chasse réservés aux seigneurs, contre les mauvais traitemens qui leur étaient parfois infligés et l’arbitraire qui régnait dans la façon dont on leur rendait la justice. Ils en voulaient surtout aux prélats et aux moines, dont la richesse et la vie facile étaient pour eux un sujet d’envie. Ils réclamaient l’interdiction du cumul des bénéfices ecclésiastiques, la suppression des privilèges accordés aux monastères et aux maisons religieuses ; ils repoussaient la confession, qui leur paraissait un moyen inventé par le clergé pour dominer le peuple, et prétendaient au droit de choisir eux-mêmes leurs pasteurs. A chaque nouveau soulèvement, on pouvait presque constater les progrès des idées révolutionnaires, qui atteignirent en certains cantons, même dès les premiers temps de ces troubles, aux dernières limites. Les révoltes furent d’abord toutes locales. Tel était le caractère de la sédition des paysans de l’abbaye de Kempten en 14491, de ceux de l’abbaye d’Ochsenhausen en Souabe dans l’année 1500. Le soulèvement qui éclata en 1476 chez les paysans et les bourgeois de l’évêché de Wurzbourg fut plus grave. Il eut pour chef un berger appelé Hans Behaïm, qui, en même temps qu’il prêchait la nécessité de faire pénitence, demandait l’abolition de tous les impôts fonciers, le renversement de toutes les autorités temporelles et spirituelles, et l’établissement du règne de l’égalité. Il n’avait point réuni autour de lui moins de 40,000 insurgés ; mais on eut facilement raison d’eux, et le pieux jeune homme, comme ses adhérens appelaient Behaïm, trouva la mort en combattant. Son corps fut livré aux flammes. Les Käsebröoder, qui en 1492 provoquèrent en Néerlande une révolte du même genre, et dont les contemporains évaluent le chiffre à 40,000, avaient pris pour enseigne un pain et un fromage ; de là le sobriquet qui leur fut donné. Le duc Albert de Saxe, alors gouverneur des Pays-Bas, marcha contre eux à la tête d’une armée et les tailla en pièces. L’année suivante, il se produisit parmi les paysans de l’Alsace une grande agitation ; une conspiration s’ourdit, mais elle n’aboutit point. Toutefois le calme ne se rétablit pas ; les esprits continuèrent à fermenter dans les provinces qui bordent le Rhin, et au commencement du XVIe siècle des complots se tramèrent dans l’évêché de Spire. Déjà en 1502 il y avait eu des menées très actives ; mais ce fut seulement en 1505 que le mouvement insurrectionnel atteignit de grandes proportions. Bruchsal, une des villes de cette principauté ecclésiastique, fut le