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voulut bien alors reprendre son commandement. En certains districts, les rebelles se soumirent, à une organisation régulière, qui les rendit vraiment formidables. Dans l’évêché de Spire, où la population rurale et bourgeoise était depuis plusieurs années animée d’un esprit persistant de révolte, où les conspirations étaient devenues presque endémiques, deux chefs, Frédéric Wurm et Hans de Halle, qui avaient établi leur quartier-général à Bruchsal, tandis que l’évêque prenait la fuite, distribuèrent leurs hommes par régimens, dont les officiers furent élus. D’autres chefs faisaient des levées pour ainsi dire régulières. Stuttgart, qui résistait, fut contraint de fournir un nombre déterminé de soldats.

Le rapprochement de la petite noblesse et des paysans grossit notablement les forces insurrectionnelles. D’importans seigneurs, tels que les comtes de Wertheim et de Rheineck, s’étaient joints aux paysans et leur avaient amené du monde. La petite noblesse espérait profiter de la révolte pour mettre la main sur les propriétés ecclésiastiques. Les vassaux des princes de l’ordre spirituel voulaient devenir possesseurs indépendans des terres qu’ils ne tenaient qu’en arrière-fiefs. Quelques nobles embrassèrent franchement le parti populaire, et l’on vit les deux comtes de Löwenstein affecter de prendre les manières et le costume des paysans, dans les rangs desquels ils vinrent combattre. Toutefois le plus grand nombre de ces seigneurs paraît avoir agi plus par peur que par entraînement. Ils voulaient sauver leurs biens exposés au pillage ; ils adhéraient aux douze articles pour qu’il ne leur arrivât pas pis.

Les révoltés trouvèrent ainsi des chefs habitués au métier de la guerre, des armes et des approvisionnemens qui avaient été tirés des châteaux, et, comme on ne leur opposa d’abord que des forces insuffisantes, dans l’évêché de Spire, dans le Palatinat, à Saverne en Alsace, dans le margraviat de Bade, ils eurent le dessus. On n’était pas d’ailleurs bien sûr des troupes que l’empereur et la ligue de Souabe faisaient marcher contre eux. Les lansquenets, presque tous levés dans les campagnes, témoignaient beaucoup de tiédeur à combattre ceux qu’ils regardaient comme leurs frères.

On a déjà vu que les bourgeois de certaines villes faisaient cause commune avec les paysans. En Souabe et dans le Palatinat, des faits de cette nature se multipliaient. Quand les insurgés surprirent la ville de Weinsberg et arrêtèrent les principaux gentilshommes des environs, les bourgeois, loin de repousser l’agression, déchargèrent en l’air leurs mousquets. A Bruchsal, la majeure partie des habitans, auxquels l’évêque de Spire avait fait prendre les armes pour sa défense, se débanda et alla se réunir aux mutins. Les seigneurs ecclésiastiques pouvaient moins que d’autres compter sur la fidélité