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vint s’ajouter aux maux qu’avait déjà causés la guerre des nobles, elle ouvrit l’ère des guerres religieuses, qui devait en apporter de plus grands encore ; elle contribua par son issue à fortifier la puissance des princes de l’empire et à raffermir l’aristocratie, quelque peu ébranlée par les tendances démocratiques qui se mêlaient à la réforme.

En s’abandonnant à la démagogie et se livrant aux chefs anabaptistes, les paysans compromirent leur cause et hâtèrent leur défaite. Le coup qui frappait à la fois le parti de la réforme radicale et la secte de Storch, son expression la plus exagérée, ne les écrasa pourtant pas complètement, mais il les mit pour longtemps dans l’impossibilité de se relever. L’union des princes qui combattaient l’omnipotence impériale et des luthériens, consommée par l’adoption de la confession d’Augsbourg et par la conclusion de la ligue de Schmalkalde, empêcha les débris dispersés de l’anabaptisme de rallumer de sitôt la révolte. Les paysans reprenaient sans doute avec tristesse le joug qu’ils avaient voulu secouer, mais ils étaient trop découragés et trop affaiblis pour penser à une revanche. Dix ans s’écoulèrent sans que le radicalisme religieux tentât un nouvel effort. L’étroite alliance des princes protestans contre l’empire et les états catholiques de l’Allemagne fit non-seulement leur force dans la lutte qu’ils soutinrent pour la défense de la réforme, elle arrêta de plus le développement de l’action révolutionnaire que celle-ci avait suscitée. Au lieu de suivre chacun un programme politique et religieux conforme à ses vues personnelles, à ses sympathies particulières, à ses intérêts égoïstes, les princes protestans travaillèrent en commun à faire triompher un ordre de choses qui, sans rompre brusquement avec le passé, introduisait les changemens le plus vivement réclamés par la majorité de la nation allemande. Certes cette union ne s’accomplit pas sans efforts et sans tiraillemens. Lors de la conclusion de la ligue de Schmalkalde, certains états regardaient à s’engager dans une voie de réforme religieuse qui paraissait s’écarter du culte traditionnel ; il y en avait d’autres qui montraient une extrême répugnance à s’allier avec les villes de la haute Allemagne où s’était implantée la doctrine de Zwingli ; mais l’intelligence de leurs intérêts communs fit taire ces divers scrupules. On vit des princes catholiques adhérer à la ligue pour mieux combattre les projets de l’empereur, surtout ceux de son frère Ferdinand, qui, en se faisant élire roi des Romains, prenait de fait la couronne impériale sur laquelle les prétentions de la maison d’Autriche allaient se confondre avec les droits de l’empire. La prudence que montrèrent les chefs du parti réformé consolida leurs conquêtes. En engageant l’électeur de Saxe à souscrire aux