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Le moment n’est peut-être pas encore venu pour aborder cette dernière combinaison. Il suffit de montrer que l’Allemagne avait le plus grand intérêt à s’épargner comme à nous la crise qui eût infailliblement pesé sur toutes les transactions, si l’on s’en était tenu à l’exécution littérale du traité de Francfort. Ainsi s’expliquent et se justifient, même aux yeux des compatriotes de M. de Bismarck, les changemens qui ont été introduits dans les stipulations primitives, en ce qui concerne les échéances.

Ce point établi, l’Allemagne avait un autre intérêt ; c’était de toucher avant 1874 une partie au moins des 3 milliards. On a dit en France que le budget de l’empire germanique était grevé de lourds engagemens, que les dépenses générales excédaient les recettes, et que notre gouvernement aurait pu demander et obtenir des concessions plus larges en échange des anticipations de paiement. Cette allégation est inexacte. Un état qui possède une créance aussi forte sur le trésor français, et qui en reçoit l’intérêt à 5 pour 100, n’est pas dans la gêne. Le ministre des finances à Berlin ne mérite pas que l’on s’apitoie sur ses embarras ; il lui serait très facile de battre monnaie avec le traité de Francfort et de tirer sur nous. Il aurait pu déjà émettre directement un emprunt ; mais à quoi bon recourir à cette opération toujours délicate, puisqu’il avait à sa disposition le crédit de la France, qui devait se montrer très désireuse de racheter, par le paiement immédiat ou prochain du tiers de sa dette, le tiers du territoire occupé ? Ici encore la combinaison profitait à l’intérêt allemand, et elle pouvait figurer parmi les articles de négociations. Le cabinet de Berlin devait être disposé à l’adopter.

Un mémoire présenté récemment au Reichstag fait connaître le montant des frais de guerre pour la Prusse et l’ancienne confédération du nord, les moyens employés pour recueillir les fonds nécessaires au début et dans le courant de la campagne, le total des indemnités en argent payées ou dues par la France, et enfin la destination de ces sommes. Ce travail rend exactement compte de la situation financière de l’Allemagne. Il contient, sous forme de chiffres, plus d’un enseignement politique, qui se recommande à l’attention de l’Europe, et en particulier aux méditations de la France. Bien qu’il nous soit assurément très pénible de voir à quel degré nous avons enrichi l’Allemagne, et de suivre en quelque sorte notre fortune aux mains d’autrui, il faut nous y résigner. La politique est aujourd’hui dans les budgets.

Au début de la guerre, une loi du 21 juillet 1870 donna au gouvernement de la confédération du nord la faculté de lever par voie d’emprunt et par l’émission de bons du trésor une somme de 450 millions de francs. L’emprunt ouvert les 3 et 4 août, au cours