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multiplicité et par la variété des propositions d’impôts, à quel point chacun est résigné aux plus durs sacrifices, afin de hâter la levée de l’hypothèque mise sur notre sol ; ils attestent ensuite que le système de contribution, tel qu’il a été réorganisé par la première assemblée constituante et perfectionné d’après les mêmes principes par les gouvernemens qui ont suivi, repose sur des principes solides qu’il serait imprudent d’ébranler. Tous les impôts nouveaux qui ont été proposés sont très défectueux : on les aurait votés cependant, car ce n’était pas le moment de se montrer bien difficile ; mais, à l’exception de l’impôt sur le revenu, qui est appliqué dans d’autres pays, et que des considérations politiques ont fait ajourner, la plupart des innovations ont été jugées impraticables. On s’est donc borné le plus souvent à augmenter les impôts existans ou à rétablir des taxes qui avaient été précédemment supprimées.

Parmi les taxes dont le rétablissement est demandé, figurent les droits de douane appliqués aux matières qu’emploie l’industrie manufacturière. Tout a été dit sur cette proposition, qui n’a point encore subi l’épreuve d’un vote définitif, et qui rencontrera de vives résistances. Il serait donc inutile de revenir sur cette question, si elle ne se rattachait pas d’une façon très directe à nos relations avec l’Allemagne. Le traité de Francfort a stipulé, en matière de navigation et de commerce, le régime réciproque de la nation la plus favorisée. Tant que les traités de commerce que la France a conclus avec les principaux pays d’Europe demeureront exécutoires, l’Allemagne en conservera le bénéfice. Puis, voici quelle serait sa situation : pendant que nous nous serions isolés par le relèvement des barrières de douanes, et que nous frapperions de droits non-seulement les matières premières, mais encore, par une conséquence logique, les marchandises fabriquées, elle ouvrirait plus largement ses frontières au commerce de l’Angleterre, de la Belgique, de la Suisse, de l’Italie, de l’Autriche, de la Russie, et les produits allemands prendraient sur une partie des marchés étrangers la place des nôtres, de telle sorte qu’après avoir fait la grandeur politique, militaire et financière de l’empire d’Allemagne, nous contribuerions par une nouvelle faute au développement de sa puissance industrielle et commerciale. En 1855, les marchandises échangées entre la France et le Zollverein représentaient une valeur de 174 millions ; par l’effet des changemens de tarifs consentis de part et d’autre, le chiffre s’est élevé pour 1869 à 483 millions. Cette progression serait infailliblement enrayée, si l’on exhaussait les taxes. La politique de M. de Bismarck ne manquerait pas de profiter des conditions défavorables que l’impôt sur les matières premières créerait à notre industrie, de l’impression fâcheuse que