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sera le résultat du nouvel emprunt qui va s’ouvrir ? On peut assurément espérer que ce résultat sera digne de la confiance qu’inspire, que mérite notre pays, puisque déjà de toutes les places de l’Europe, du sein de l’Allemagne elle-même, les capitaux offrent leur bonne volonté et leur concours. Les Français soutiendront la France de leurs souscriptions, les capitaux étrangers feront une bonne affaire, et l’instrument direct de notre libération nationale sera désormais conquis. L’état sera définitivement en mesure de remplir tous ses engagemens en demandant aux autres de remplir toutes leurs obligations.

Oui, sans doute, la France a le droit de compter sur le succès pour son emprunt, si colossal qu’il paraisse ; elle offre d’immenses ressources, elle peut réparer ses ruines et suffire à tout, à la reconstitution de sa puissance matérielle comme à la réorganisation de ses forces militaires, comme au développement de tous ses intérêts ; mais il faut bien avoir sans cesse devant l’esprit que ce n’est point l’affaire d’un jour, que c’est là une œuvre de patience, de fermeté prévoyante, d’opiniâtreté laborieuse. Le crédit de la France, « ce crédit si solidement établi et qui sort avec tant d’éclat de l’épreuve présente, » selon le mot de M. le duc de Broglie, ce crédit ne se soutiendra pas tout seul, par une confiance complaisante ou par un artifice d’imagination. Il a besoin pour vivre et s’affermir de deux conditions, l’une financière, l’autre politique. La condition financière, c’est un budget fortement équilibré, constitué de façon à ne pas même laisser un doute, non-seulement sur la bonne volonté de la France, mais sur l’efficacité de ses ressources. Il y a un an, on croyait avoir libéralement doté le budget et l’avoir mis au niveau des charges permanentes créées par la guerre avec 500 millions d’impôts nouveaux, et on s’était exécuté. Aujourd’hui il faut, dit-on, 700 millions, en d’autres termes 200 millions de plus. Ici, à la mérité, il s’est élevé une controverse préliminaire des plus vives entre le gouvernement et un certain nombre de financiers de l’assemblée. Les financiers de la chambre prétendent que 120 millions suffisent, le gouvernement de son côté, ou, pour mieux dire, M. le président de la république soutient résolument que 200 millions sont nécessaires, et il énumère tout ce qui explique ce surcroît de charge, la différence entre l’intérêt payé jusqu’ici à la Prusse pour l’indemnité de guerre et l’intérêt de l’emprunt qu’on va contracter, l’augmentation des dépenses militaires par suite de la loi sur l’armée, bien d’autres choses encore. De toute manière, que le chiffre soit de 120 millions ou de 200 millions, il faut toujours le voter, et personne ne s’y refuse sérieusement. Seulement quels sont les impôts nouveaux auxquels on doit avoir recours ? Ah ! c’est ici le point délicat et épineux. C’est une question qui est agitée depuis plus de quinze jours dans l’assemblée avec une passion singulière, au milieu de péripéties toujours nouvelles qui font de cette discussion un véritable drame