Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/48

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans faire les opérations astronomiques et géodésiques propres à fixer avec certitude la position géographique. Il a tracé la direction des cours d’eau, déterminé la hauteur des montagnes, étudié les reliefs du sol, décrit les aspects et la condition du pays. Pendant plus de deux années, trois fois chaque jour, il a noté la pression barométrique et observé le thermomètre de façon à s’assurer des températures extrêmes. Partout, dans ses excursions, il a recueilli les plantes et les animaux, et des découvertes ont permis d’élucider plusieurs questions relatives à l’histoire des êtres. Ne négligeant aucun moyen d’information ou de contrôle, il a porté dans l’étude des races qui occupent Madagascar un soin scrupuleux, et de nouvelles clartés se répandent maintenant sur tout ce que nous avions appris à l’égard des habitans de la Grande-Terre. En un mot, un voyage scientifique a été accompli, — voyage remarquable par l’habileté de l’exécution comme par l’importance des résultats obtenus. Instructives au plus haut degré, les explorations faites en vue de la science doivent par une pente naturelle servir des intérêts fort divers. C’est un motif assez puissant pour concevoir le désir de mettre tout le monde à même de les apprécier et de juger des avantages que procure l’esprit de recherche.

Un instant, au sujet de Madagascar, une seule pensée nous occupa : indiquer le progrès réalisé par les travaux de M. Grandidier. Ainsi restreinte, la tâche se montra difficile à remplir ; — une sorte de confusion demeurait souvent inévitable entre certaines notions, les unes anciennes, les autres récentes. Nulle part en effet on ne trouve une exposition de l’ensemble des connaissances acquises sur Madagascar ; les voyageurs à la fois instruits et consciencieux ont été rares. Dans plusieurs ouvrages, il est vrai, des observations d’une valeur incontestable ont été consignées, mais parfois l’intérêt est bien diminué, tant est vague la désignation des objets qu’on signale. Très ordinairement les auteurs se complaisent dans le récit d’incidens personnels et d’impressions de simples touristes : quelques coutumes, quelques singularités de la manière de vivre des indigènes, des fêtes, des cérémonies ont absorbé toute leur attention. Nous avons aussi des œuvres pour lesquelles il faut demander l’oubli, des relations pleines de descriptions imaginaires qui ont accrédité de graves erreurs. En 1840 parut un Voyage à Madagascar et aux îles Comores qui a été beaucoup lu et fréquemment consulté. Des peintures de l’intérieur de la grande île africaine attachaient autant par la vivacité du coloris que par la nouveauté du sujet. Le livre sembla désigné comme un guide précieux pour les explorateurs. Ainsi le méfait devait être reconnu ; ceux qui lurent les pages trompeuses en présence de la nature dont ils croyaient posséder le