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événement qui occupera dans son histoire une place intermédiaire entre l’affranchissement des serfs et la proclamation, désormais imminente, du principe de l’égalité de toutes les classes sociales devant l’impôt, c’est la construction, relativement très rapide, d’un immense réseau de voies ferrées à la fois commerciales et stratégiques. L’engouement et surtout la spéculation, en matière de chemins de fer, ont même été tels à Saint-Pétersbourg que le gouvernement a cru devoir se fixer à lui-même un maximum de 2,000 verstes (kilomètres) de concessions nouvelles à octroyer par année. Les résultats acquis de ces grands travaux d’utilité publique, qui ont enfin ouvert des débouchés aux produits nationaux et fourni comme un véhicule à la richesse du sol, forment le premier plan du tableau tracé par l’écrivain russe ou allemand. On y trouvera des renseignemens fort intéressans sur les découvertes géologiques qui ont mis hors de doute l’existence d’un bassin houiller considérable formant cuvette au nord et au sud de Moscou, à partir des monts Valdaï. A l’heure qu’il est, l’Europe, l’Angleterre en particulier, n’ont plus à craindre l’épuisement plus ou moins prochain de ce précieux combustible, aliment nécessaire de leurs manufactures : le sous-sol moscovite les met pour de nouveaux siècles à l’abri de cette dangereuse perturbation sociale. Les chapitres peut-être les plus attachans pour l’historien et pour l’économiste, ce sont ceux qui traitent des serfs récemment émancipés et accablés du même coup de terres à cultiver et malheureusement aussi de contributions à payer. La situation actuelle de ces dix millions de prolétaires ruraux et chefs de famille, dont six millions avaient déjà, il y a un an, acheté, non pas individuellement, mais par association communale, environ 21 millions d’hectares a leurs anciens propriétaires, cette situation, dis-je, est la réfutation vivante de toutes les utopies du communisme. La propriété collective peut servir utilement de transition entre le servage et la liberté ; mais prétendre y revenir quand on est arrivé à la propriété personnelle, c’est-à-dire à la pleine indépendance de l’individualité humaine, c’est véritablement avoir la nostalgie de l’état sauvage. Il faut rendre à l’auteur cette justice, qu’il a chrétiennement admis l’urgence d’une grande réforme dans le système des impôts russes, et qu’il a dû par conséquent contribuer pour son humble part à cette mémorable unanimité des états provinciaux (31 sur 33)v qui viennent de demander au gouvernement de n’exempter à l’avenir aucune classe sociale du paiement de l’impôt, afin d’alléger d’autant la misère du paysan.

Sur l’instruction publique, l’écrivain, quoique bienveillant, nous semble être resté quelque peu superficiel. Pourrait-on supposer, par exemple, après l’avoir lu-, qu’il existe en Russie des cours complets d’instruction primaire tels que le Rodnoe Stovo de M. Yuhinskii ? Nous aurions également le droit de nous étonner d’une bien singulière assertion émise à propos de la réorganisation militaire de la Russie et de l’introduction du