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trésors, les yeux des Malgaches s’illuminent ; la convoitise n’a plus de bornes, le moment est propice pour un exploit, car les Portugais sont sous l’influence des libations. Au signal donné par les chefs, les indigènes se précipitent sur les étrangers et les massacrent. Cinq de ces derniers seulement échappent au carnage, et avec une trentaine de nègres fidèles ils gardent la maison de pierre, entreprennent des courses dans l’intérieur et brûlent les villages pour venger les compatriotes assassinés. Un navire qui vint dans l’anse aux Galions les emmena, et, à partir de cette époque, les Portugais cessèrent à peu près de s’occuper de Madagascar.

La maison de pierre était vide depuis soixante ans, lorsqu’un navire de Lisbonne entra dans la petite baie de Ranoufoutsy. Le capitaine avait imaginé un moyen de civiliser les Malgaches : il enlève le fils du roi de la province et le conduit à Goa. Confié aux jésuites, le jeune homme reçut une certaine instruction et fut baptisé ; désormais il s’appellera dom André. Après trois ans de séjour à Goa, deux jésuites le ramènent à son père. Pensant avoir dans le néophyte un précieux auxiliaire, ils s’établirent avec quelques compagnons dans l’ancienne habitation portugaise, pour aller aux environs prêcher l’Évangile. La déception fut cruelle ; — à peine de retour en son pays, dom André, quittant les vêtemens européens, profita de ses connaissances acquises pour mieux frapper les étrangers : c’est lui qui bientôt dirigera les massacres et se fera tuer dans une rencontre avec les Français.

Des aventuriers de diverses nations s’étaient répandus sur plusieurs points du littoral de Madagascar sans beaucoup de succès. En France, on songea sérieusement aux avantages que pouvait procurer la grande île africaine ; Richelieu vivait encore, le puissant cardinal s’émut à l’idée de fonder un solide établissement sur la route de l’Inde. Au mois de juin 1642, une compagnie dite Société de l’Orient reçut « la concession de l’île de Madagascar pour y ériger colonies et commerce et en prendre possession au nom de sa majesté très chrétienne avec le droit exclusif de commerce pendant dix années. » Deux agens de la compagnie partirent aussitôt avec douze personnes et furent rejoints à l’arrivée par un renfort de soixante-dix hommes. Sainte-Luce avait été choisie pour le débarquement ; à la fin de 1643, Pronis déclarait au nom du roi prendre possession de l’île Sainte-Marie et de la baie d’Antongil, et mettait des postes à Fénérive et à Mananara ; on voulait occuper divers points de la côte orientale. Les Français étaient venus dans la saison pluvieuse ; beaucoup d’entre eux succombèrent aux atteintes de la fièvre. Le gouverneur résolut de transporter la colonie sur la presqu’île de Tholangare, qui semblait offrir de meilleures conditions que Sainte-Luce ; il éleva un fort qu’on agrandit par la suite,