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n’héritaient pas de « la terre salique. » M. Hanssen, qui l’un des premiers a jeté des lumières sur ces matières, affirme qu’en Danemark cinq ou six familles vivaient souvent réunies dans une même ferme.

Comme il n’existait aucune division du travail, les échanges étaient presque nuls. L’homme libre ne payait ni impôt ni rente. La chasse, les troupeaux, le produit de la terre qui lui était assignée, lui fournissaient les alimens et les matières premières pour le vêtement, lequel était préparé par les femmes au foyer domestique. Les plus aisés avaient des esclaves ; mais l’artisan libre, vivant uniquement de son travail, n’existait pas encore. Ceux des Germains qui s’étaient fixés près des frontières de l’empire connaissaient l’usage de la monnaie ; ceux de l’intérieur, dit Tacite, avaient recours au troc pour l’échange des marchandises. Strabon rapporte la même chose des Dalmates. « L’usage de la monnaie leur est inconnu, dit-il, ce qui leur est particulier par rapport aux autres peuples de ces côtes ; mais cela leur est commun avec beaucoup de peuples barbares. » Ces barbares avaient cependant un intermédiaire des échanges ; seulement, comme ce n’était point une monnaie métallique, des historiens ont affirmé qu’ils ne connaissaient. point la monnaie. Cet intermédiaire des échanges, c’était le bétail. Ceci est encore un caractère très curieux des primitives sociétés de race aryenne. Il est bien connu que chez les peuples de l’antiquité gréco-latine le mouton et le bœuf étaient l’instrument de l’échange et la commune mesure des valeurs. Dans Homère, la valeur des objets, celle des armes notamment, est estimée en têtes de bétail. L’étymologie du mot pecunia, qui signifie « richesse » et « monnaie, » et qui vient manifestement de pecus, ne laisse aucun doute sur ce point. Les premières monnaies métalliques portaient l’empreinte d’un bœuf ou d’un mouton, dont elles étaient pour ainsi dire le signe représentatif, comme le billet de banque l’est aujourd’hui du numéraire. Dans les langues du nord, nous retrouvons des étymologies et des synonymies semblables. Le mot fä, fe, signifiait en islandais et en norvégien « richesse ; » en anglais, le mot fee signifie rétribution d’un service, honoraire. Or ces mots viennent évidemment de vee, vieh, bétail. Le bétail en effet était la richesse par excellence et le meilleur moyen d’échange. Les tributs que les Francs vainqueurs imposaient aux Frisons et aux Saxons vaincus se composaient d’un certain nombre de bœufs. On n’a pu nier que des têtes de bétail aient servi d’intermédiaire aux échanges, on sait même que le rapport de valeur était de dix moutons pour un bœuf à Rome et de douze moutons pour un bœuf en Islande et probablement aussi en Germanie ; mais le fait a toujours paru étrange.