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et qu’il faut accomplir avec rapidité, le plus léger dérangement, tel qu’une fuite dans un tuyau, est d’autant plus grave que les moyens de réparation sont bien restreints. Enfin l’explosion de la chaudière peut devenir une catastrophe épouvantable, puisque, si la coque du navire est percée par les débris, le bâtiment coule à pic avant que l’équipage ait le temps de mettre les embarcations à flot. Pour ce dernier motif, il est d’usage de n’employer à la mer que des chaudières avec une pression intérieure de deux atmosphères au plus. On y adjoint quelquefois des condensateurs, des surchauffeurs et des réchauffeurs, afin de prévenir toute déperdition de chaleur, car il est d’un intérêt capital d’économiser le combustible, qui occupe beaucoup de place à bord[1]. Enfin, si nous ajoutons que tous les organes de la machine doivent être ramassés, en quelque sorte superposés les uns aux autres, afin de tenir dans un petit espace, que les pièces du mécanisme doivent être robustes, pour éviter les avaries, et cependant légères, afin de ne pas présenter un trop grand poids, nous aurons énuméré les conditions presque inconciliables auxquelles une bonne machine marine doit satisfaire.

Il existe, on le sait, deux sortes de navires à vapeur, les uns à roues, les autres à hélice ; de plus tout navire à vapeur reçoit des mâts et des voiles. On discute encore quel est le mode de propulsion qui convient le mieux. Pour les bâtimens de guerre, le choix est fait depuis longtemps : le navire mixte, marchant tantôt à la voile et tantôt à la vapeur, est abandonné, parce que cette association ne donnait pas la vitesse, qui est la qualité principale : les roues ont fait place à l’hélice, qui se cache au-dessous de l’eau et n’est pas exposée aux projectiles de l’ennemi. Pour la marine du commerce, la question est indécise. S’il ne s’agit pas de paquebots-poste, qui doivent arriver à jour fixe, il est avantageux d’éteindre les feux et de marcher à la voile lorsque le vent est favorable. Quant au choix du propulseur, l’hélice a, par rapport aux roues, l’inconvénient de donner de très vives trépidations. La raison s’en comprend facilement. Les roues d’un grand diamètre tournent avec rapidité à leur circonférence, mais l’arbre qui les porte n’a qu’une vitesse de rotation modérée ; il suffit que la machine donne de 15 à 25 coups de piston par minute, tandis que l’hélice doit faire de 60 à 120 tours dans le même temps. De plus, même par les gros temps et avec les mouvemens de roulis les plus prononcés, l’une des roues est toujours immergée ; l’hélice au contraire émerge

  1. En dehors même de l’encombrement, l’économie du combustible est en certaines circonstances l’une des questions les plus sérieuses de la navigation à vapeur. La bouille, qui vaut de 12 à 15 francs la tonne sur le littoral de la Grande-Bretagne, s’est vendue jusqu’à 100 francs dans les mers de la Chine.