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de transformation. On ne construisait d’abord des railways que dans les pays peu accidentés. La voie avait tout au plus 1 centimètre de pente par mètre dans les plus fortes déclivités ; les courbes se déroulaient avec des rayons de 800 et 1,000 mètres au moins. Quand on voulut pousser les voies ferrées par-dessus les montagnes, il fallut admettre les pentes de 2 à 3 centimètres et les courbes de 200 mètres. L’art du constructeur de locomotives dut alors se modifier, car la vieille machine à six roues couplées du poids de 30 tonnes pourrait tout au plus se traîner elle-même sur ces rampes, et ses trois essieux rigides écarteraient les rails dans les courbes à court rayon.

L’un des premiers chemins de fer à forte rampe que l’on ait établis est la ligne de Turin à Gênes dans la traversée des Apennins. Avant d’arriver à Gênes, il faut racheter une différence de niveau de 271 mètres en moins de 10 kilomètres. Ce chemin, l’un des plus importans de l’Italie, fait communiquer les plaines de la Lombardie et du Piémont avec la Méditerranée. Une autre ligne à grand trafic, celle de Vienne à Trieste, franchit les Alpes noriques au col du Sommering. Entre la station de Gloggzitz et le faîte, il y a une différence en verticale de 462 mètres et une distance horizontale de 29 kilomètres ; le point culminant est à 883 mètres au-dessus du niveau de la mer, et cette grande altitude, qui modifie le climat d’une manière sensible, est peu favorable à l’adhérence de la roue sur le rail. En France, nous avons entre Aurillac et Murat une voie ferrée qui monte jusqu’à 1,150 mètres au-dessus du niveau de la mer, avec des pentes de 3 centimètres par mètre de chaque côté du faîte. Dans le Tyrol, le chemin d’Inspruck à Botzen atteint l’altitude de 1,350 mètres avec des rampes de 25 et 22 millimètres presque sans interruption sur une longueur de 125 kilomètres. Enfin la compagnie du Midi n’a pas craint de faire à la descente du plateau de Lannemezan, sur le chemin de Toulouse à Bayonne, une pente de 32 millimètres et de 8 kilomètres de long. Ajoutons que tous les chemins de montagne présentent des courbes de très petit rayon : les ingénieurs français sont rarement descendus au-dessous de 300 mètres ; à l’étranger, au Sommering par exemple, on trouve des courbes de 190 mètres de rayon.

La locomotive de montagne employée sur les rampes du Sommering est l’œuvre de M. Engerth, ingénieur autrichien, dont elle a conservé le nom. Tandis que la machine du service ordinaire est portée sur des essieux d’un parallélisme invariable, ceux de la machine Engerth ont un peu de jeu, en sorte qu’ils peuvent prendre dans les courbes un léger mouvement angulaire, à l’instar de l’avant-train d’une voiture à quatre roues. Sans cela, les rails s’écarteraient ou s’useraient très vite quand la locomotive circule dans une courbe. De plus, il était nécessaire d’accroître dans une