Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appareils à des mains incapables, je passerais par-dessus bien des considérations pour arriver à l’emploi d’une classe d’hommes plus instruits et plus intelligens que ceux qui ont été chargés de diriger les chaudières jusqu’à ce jour. » Ceci indique en peu de mots dans quel sens les législateurs et le gouvernement doivent agir, s’ils jugent convenable de s’occuper de ces questions d’intérêt privé.

En France, avec l’étrange manie administrative qui nous possède de tout prévoir et de tout soumettre à la règle, les ordonnances royales édictées de 1823 à 1843 déterminaient l’épaisseur, la forme, la nature des diverses pièces ; composant une machine à vapeur ; elles soumettaient l’établissement d’une chaudière à la condition d’une autorisation préalable1 que l’on attendait pendant plusieurs mois. Qui était responsable en cas d’accident ? Était-ce l’administration, qui avait pris en vain de si minutieuses précautions, ou le constructeur, qui s’y était scrupuleusement conformé ? Un décret de 1865 abolit ce régime suranné en ce qui concerne les locomotives et les machines fixes ; les machines de bateau y restent seules soumises. Tout manufacturier est libre d’établir une chaudière à son gré, pourvu qu’il en ait fait éprouver la résistance au moyen d’une presse hydraulique, qu’il ait soin de la pourvoir de quelques appareils de sûreté très simples, et que l’emplacement soit choisi de façon à ne pas causer de dommage aux propriétaires voisins. Ce régime libéral n’a pas donné de mauvais résultats, car les explosions ne sont pas devenues plus fréquentes. Il en arrive encore quelquefois, et presque toujours ce sont de cruels accidens qui tuent ou blessent un grand nombre de personnes ; mais, si l’on rapporte le nombre des explosions au nombre des chaudières en service, on s’aperçoit qu’il n’y a guère d’industrie qui soit moins dangereuse. Ce serait une statistique bien digne d’intérêt que de compter dans chaque corps de métier les victimes qui succombent chaque année, soit par accident fortuit, soit par leur négligence. Ce serait le vrai martyrologe de la classe ouvrière, où l’on verrait, à côté de regrettables imprudences, des actes de dévoûment et de sacrifice qui honorent l’humanité. Cette statistique démontrerait probablement que la vapeur n’est pas aussi funeste qu’on le croit en général, et, ce qui est consolant, que le nombre et la gravité des accidens diminuent sans cesse.

Toute explosion est chez nous le sujet d’une enquête approfondie ; on en recherche la cause, afin d’en éviter le retour autant que possible. Les ingénieurs ont découvert de cette façon certaines influences dont ils sauront se garder à l’avenir. Il était connu depuis longtemps que les eaux chargées de sels terreux ne valent rien pour alimenter une chaudière, parce qu’elles donnent d’abondantes