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en les liant à de détestables intrigues, à de pitoyables rancunes et à des opinions surannées.

Est-ce bien, comme on l’en accuse, le gouvernement qui manque à son devoir, en refusant aux hommes de la droite de ressusciter pour eux les candidatures officielles de l’empire ? Voilà, il faut l’avouer, un singulier reproche dans la bouche des libéraux qui les ont toujours combattues, et qui ont toujours professé avec raison que le remède aux dangers du suffrage universel était non pas dans une corruption ou dans une intimidation grossière, mais dans une plus sérieuse instruction politique, et dans un plus large exercice de la liberté électorale. C’est cependant au nom des doctrines parlementaires qu’ils viennent aujourd’hui réclamer cette protection humiliante. Le gouvernement, disent-ils, est le délégué du parlement, l’organe de la majorité parlementaire ; il doit la servir et la défendre contre les minorités factieuses qui essaient de la battre en brèche.

Vous êtes, dites-vous, la majorité parlementaire ? Et d’abord en êtes-vous bien sûrs ? Une majorité a un but, une doctrine, des chefs reconnus. Jusqu’à présent, on ne vous a vus réunis que pour une seule chose : empêcher l’établissement de la république ; mais, dès qu’il s’agit de fonder, vos divisions reparaissent. Vous n’êtes qu’une majorité négative, et c’est le secret de votre impuissance. Or dans ce pays qui a vu tant de révolutions différentes, et où chacune a laissé derrière elle un parti qui la représente, aucun gouvernement ne peut se flatter de s’appuyer sur une majorité sérieuse, tant que les vieux partis n’auront pas disparu. Vous perdez beaucoup de temps et de peines à préparer des fusions entre les familles royales et à négocier des alliances entre les personnes princières. Avant de faire la fusion entre les personnes, c’est entre les partis qu’il faudrait la faire. C’est un grand parti national qu’il faudrait essayer de fonder avec les débris des factions qui nous désolent. En attendant, il ne peut pas y avoir de véritable majorité dans une assemblée française ; il n’y a que des majorités de circonstance, et M. Thiers avait raison de vous dire qu’il n’en connaissait pas d’autre que celle qui se révélait par les votes.

Quant aux principes parlementaires, vous les invoquez tous les jours, mais vous les méconnaissez étrangement. Vous oubliez que l’assemblée elle-même, avec ses pouvoirs illimités et le droit absolu de souveraineté qu’elle s’arroge, est la négation vivante du régime constitutionnel. Dans quelle monarchie parlementaire avez-vous vu la représentation nationale investie de tous les droits souverains, libre de définir elle-même son mandat, libre aussi d’en fixer la durée ? Sous tous les régimes parlementaires, il faut des