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société française, et qui devait fatalement aboutir aux plus grands malheurs. Ils secoueront leur coupable indolence, et, plutôt que de laisser le césarisme impérial achever la ruine de la France, ils aimeront mieux la sauver en s’alliant à la république.

Nécessaire à l’intérieur pour maintenir l’ordre social, la république n’est pas moins utile au dehors pour assurer la paix. L’étranger, dit-on, se méfie d’elle, et elle ne trouvera pas d’alliances en Europe ; le voisinage d’une république menace toujours plus ou moins les trônes, et les rois de l’Europe auraient du plaisir à voir un de leurs frères régner sur la France. — Cela est possible pour les princes, mais cela n’est pas vrai des gouvernemens. Quelle idée les politiques qui tiennent ce langage se font-ils donc de l’Europe moderne ? Ne soyons pas dupes de cet anachronisme enfantin. Nous ne sommes plus au temps de la sainte-alliance, et les gouvernemens qui nous entourent se soucient peu que la France s’appelle royauté, empire ou république. La politique de la dernière monarchie n’a pas été faite pour leur inspirer confiance, et, si nous leur demandions leur avis sur nos affaires, ils nous diraient certainement que ce qu’ils redoutent le plus, c’est le gouvernement d’un conspirateur couronné, occupé à miner tous les trônes. Si enfin nos ennemis faisaient à la république l’honneur de la craindre, serait-ce donc une raison pour la répudier ?

Résumons-nous en un mot : la république est inévitable, ou elle ne peut être évitée que par la dictature et par la honte. Elle seule peut conjurer le danger social ; elle seule peut offrir un rendez-vous commun aux libéraux et aux patriotes de tous les partis. Si les conservateurs sont las du provisoire et qu’ils veuillent faire dès à présent une constitution définitive, ils ne peuvent constituer qu’une république. S’ils s’y décidaient malgré leurs répugnances, ils ne rendraient pas seulement au pays un service dont ils seraient récompensés par l’histoire ; ils feraient encore une chose conforme au bon sens, conforme aux exemples du parti conservateur dans tous les pays libres, conforme à tous leurs intérêts légitimes, et dont ils trouveraient déjà une première récompense à l’époque des élections prochaines.


III

Ce ne sont donc pas les partisans de la forme républicaine qu’il faut accuser de spéculer sur les dangers du provisoire et de s’opposer à la fondation d’un gouvernement définitif. S’ils se trompent, comme on le prétend, ils savent du moins ce qu’ils veulent, et ils agissent comme ils parlent : c’est de l’autre côté que se rencontrent les hésitations et les résistances.