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précisément contre la république, qu’il renonce en ce moment à attaquer de front, du moins contre le gouvernement de M. Thiers. Le centre droit est une opposition, le centre gauche est un parti de gouvernement ; voilà le secret de leurs inimitiés et ce qui les rend peut-être irréconciliables aujourd’hui. C’est toujours sur les frontières que les haines nationales sont le plus vives malgré les affinités et le voisinage ; il en est de même dans les assemblées politiques : on se déteste d’autant plus qu’on regrette davantage d’être séparés et qu’on aurait le plus besoin de s’entr’aider et de s’entendre.

Tout nouvel essai d’alliance et d’action commune sans d’importantes concessions de part ou d’autre ne pourrait en ce moment que ranimer les hostilités. Plus les équivoques se dissipent, moins les compromis deviennent possibles. Il n’y a, j’en ai peur, que deux moyens de faire cesser la lutte : ou bien que le centre gauche passe à l’opposition et se joigne à la droite pour renverser le gouvernement de M. Thiers au profit de je ne sais qui, ou bien que le centre droit passe à la république avec armes et bagages, promette loyalement de la soutenir, et travaille à l’organiser sur des bases durables. Sans cette espèce d’abdication de l’un ou de l’autre des combattans, il n’y a guère d’apparence que la paix puisse être signée. Le centre gauche, fort de son patriotisme et de sa fidélité au gouvernement, s’y refusera toujours ; le centre droit s’y refuse également sinon par conviction monarchique, du moins par amour-propre de parti. Nous laissons au bon sens du lecteur le soin de décider lequel des deux a tort ou raison.

Lorsqu’il y a quelques semaines les chefs du centre droit firent un effort pour enrôler le centre gauche dans la piteuse croisade qu’ils méditaient de faire contre l’administration de M. Thiers, ils les engagèrent, au nom des principes conservateurs, à se joindre à eux pour former une majorité sainement libérale, sur laquelle le gouvernement pût désormais s’appuyer sans réserve. Le centre gauche ne leur demanda qu’une chose en échange : une promesse d’adhésion à la république. Cette promesse d’adhésion fut refusée par les chefs du centre droit. Il ne s’agissait pas, suivant eux, de monarchie ou de république ; c’était là une question de peu d’importance, sur laquelle chacun pouvait réserver ses convictions. Il s’agissait de conservation sociale et de liberté parlementaire ; personne, à gauche comme à droite, ne pouvait refuser son concours à une telle cause. La monarchie, ajoutaient-ils enfin, n’était pas possible à cette heure, la république n’était pas en cause, et il était inutile d’en parler quand personne ne la menaçait. — Eh quoi ! c’est au lendemain des manifestes fusionnistes, après toute une année d’efforts pour renverser ou pour entraver la république, que les chefs