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jugement des hommes d’état, ils arriveraient bien vite à reconnaître qu’il n’y a pour tous les partis qu’une seule et même politique possible, parce qu’il n’y a qu’une seule politique honnête et une seule politique d’avenir. On peut différer sur les détails et dans les affaires de chaque jour ; mais pour les grands traits qui fixent de temps à autre la destinée des peuples il n’y a jamais à la fois qu’un parti à prendre, et si tous l’adoptaient avec sagesse, tous à la fois y trouveraient leur compte. Cette politique, est-il besoin de le répéter ? est aujourd’hui celle de la république conservatrice. Peut-être ne prévaudra-t-elle pas facilement, mais il n’est pas douteux qu’avec le temps elle ne finisse par prévaloir. Espérons même que le triomphe n’en est point trop éloigné, et que, malgré l’absurde acharnement des factions, malgré les maladresses des conservateurs, malgré l’inexpérience et l’ardeur du parti radical, le pays, qui est sage, qui ne songe qu’à son avenir, qui n’est le complice d’aucune ambition personnelle, qui ne comprend rien aux passions parlementaires, saura se maintenir à égale distance de toutes les exagérations. Espérons qu’à défaut de l’assemblée actuelle, dont l’obstination paraît difficile à vaincre, une chambre nouvelle, élue parmi les hommes modérés, contractera avec la république définitive, non pas un mariage de passion, ce qui est toujours dangereux, mais un mariage de raison, entouré de toutes les garanties qui font les bons ménages et les peuples libres.

Ce jour-là seulement on pourra dire que l’ère des révolutions est close, et cette affirmation banale de tous les gouvernemens nouveaux deviendra enfin une vérité. Ce sont les monarchies qui, dans le siècle et le pays où nous vivons, suivant l’admirable expression de Royer-Collard, sont « des tentes dressées pour le sommeil. » La république seule peut être le gouvernement définitif des sociétés démocratiques. Autant il est imprudent et inutile de hâter les révolutions quand rien ne les réclame et qu’elles peuvent être évitées, autant il serait puéril de ne pas les reconnaître lorsque l’opinion publique s’y rallie, et lorsqu’elles viennent à s’imposer par la logique même de l’histoire.


ERNEST DUVERGIER DE HAURANNE.