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de trône, entouré de ses ministres et d’hommes d’armes assis à terre sur des nattes. Après l’échange des salutations, le roi répète ce que le ministre a crié à haute voix sur la place publique, et, paraissant de même consulter l’entourage, il dit que Madagascar est le pays du capitaine Le Sage, et le sien l’île Maurice. L’envoyé de sir Robert Farquhar, ayant présenté ses lettres de crédit, le souverain exprima le plaisir que lui causait pareille visite.

Pendant son séjour à Tananarive, l’officier anglais ne cessa d’être traité avec des égards infinis et une politesse exquise. Une maison fut construite pour les étrangers ; Le Sage, étant tombé malade, devint l’objet des attentions les plus assidues de la part de Radama. De son côté, l’agent britannique remit les présens dont il était chargé, et ne négligea aucun soin pour gagner l’amitié et flatter l’orgueil du roi. Au départ, Radama, marchant à pied, accompagna le capitaine Le Sage jusqu’à la distance de 3 à 4 milles ; plusieurs membres de la famille royale ne le quittèrent qu’après un trajet d’une quarantaine de milles. En fallait-il davantage pour rendre intarissables les éloges du caractère et de l’intelligence du roi des Ovas ? La réception faite à l’aide-de-camp de l’amiral Farquhar engagea les Anglais à redoubler d’efforts pour acquérir une influence considérable à Madagascar. Une cause louable devint un merveilleux prétexte pour le gouvernement britannique ; aux yeux du monde, il devait ne paraître préoccupé que d’une question d’humanité, l’abolition de la traite des esclaves. Depuis un temps immémorial, l’esclavage existait sur la Grande-Terre ; mais les seigneurs malgaches, doux en général envers les hommes qu’ils considéraient comme une propriété, ne les vendaient pas aux étrangers. On citait du moins peu d’exemples de ce commerce avant l’invasion des pirates sur la côte orientale de l’île. Depuis cette époque, le trafic s’était perpétué ; le chef de Tamatave, Jean René et son frère, le chef de Tintingue, étaient des marchands d’esclaves. De temps à autre, ils se rendaient à Tananarive, et achetaient des Ovas les prisonniers de guerre pour les conduire à la côte et les vendre. Le soin le plus apparent comme le désir le plus nettement formulé de l’amiral Farquhar était donc d’obtenir de Radama l’abandon d’un trafic adieux.

A la date du 12 septembre 1816, le gouverneur de l’île Maurice, écrivant au comte Bathurst, le secrétaire d’état d’Angleterre pour les colonies, annonce l’arrivée à Port-Louis de deux jeunes frères de Radama, événement de haute importance, capable de contribuer à la civilisation de Madagascar ; il déclare l’intention d’envoyer au roi des Ovas une personne particulièrement désignée, afin de conclure une paix durable et assurer la protection des Anglais établis